7ème jour de la tournée des pancartes

de GUÉMÉNÉ-PENFAO à HERBIGNAC

 

départ de Guéméné-Penfao, on arrose ça !

                           

Pluie, vent, pluie, bosses au départ, pluie. Le menu ne varie guère depuis plusieurs jours. Ça devient embêtant pour le linge. À peu près plus rien n'est sec. J'ai le choix entre du presque sec mais sale et du propre mais franchement mouillé. Le choix est hygiénique. Le cuissard mouillé garde ses propriétés. La selle en cuir détrempée pourrait se déformer jusqu'à être inutilisable. Je la bourre par dessous avec des pages de journal sèches.

À la longue, rouler sous la pluie peut devenir ennuyeux. On ne voit guère plus loin que le bout de la visière du casque. Les rencontres sont plus rares, même les bonjours sont noyés dans l'averse. L'envie de photographier baisse. Le mobilier urbain le plus recherché par le cycliste devient l'abribus (don du département de... Merci mon prince pour ce don fait avec mes sous pour les infortunés vivant dehors).

La pluie s'est arrêtée à SAINT-DOLAY. J'ai étalé pour égoutter autant que possible. Sécher, faut pas rêver.

À MISSILLAC, j'ai bien senti que je faisais envie à l'ouvrier du bâtiment roulant sa sèche sur le trottoir devant le bar. Retrouver le grignotage dans la gamelle comme sur les chantiers, mais sans le froid et pour se promener, dormir simplement, sous la tente, profiter du soleil et de la pluie, aller découvrir le monde juste à côté ou un peu plus loin, avec des moyens financiers contenus, tenir le crachoir sur tous les sujets proposés par les femmes et les hommes rencontrés, sans enjeu, c'était clair, ça le tentait.

                  Peut-être qu'on se marie et qu'on meurt plus à Missillac qu'ailleurs, d'où ce panneau que je n'avais pas encore vu -->                                 

 

 

 

 

  

 

Le château de Missillac, où l'on peut remarquer en observant la surface de l'étang qu'au moment précis où la photographie fut prise, il ne pleuvait pas.

 

 

 

 

 

 

 J'ai quitté HERBIGNAC il y a quarante ans. Je tournais déjà en rond à vélo à l'époque depuis quelques temps. J'ai donc en mémoire la carte précise des grandes et petites routes de la zone, leurs pentes, leurs bifurcations et leurs virages. Les routes moyennes sont devenues à grande circulation, peut-être à cause des marais de Brière qui limitent les points de passage. L'emplacement de la foire aux bestiaux est un parking de supermarché discount. Le collège a cédé la place à des installations techniques communales. La géographie est demeurée la même. Je reconnais l'ancien bar derrière la vitrine anonymée. Je vois la forge derrière la porte du garage. J'entends le bruit du marteau sur l'enclume. Le calvaire et le moulin n'ont pas non plus changé de place. Le puits au carrefour a disparu avec l'installation d'un rond-point.

Au Pré de Rigasse, on peut acheter son appartement avec « prestations de haute qualité, aménagements étudiés et fonctionnels avec tout le confort aux normes actuelles. Maçonnerie traditionnelle, menuiseries à rupture de ponts thermiques, volets roulants électriques.
 Salles de bains faïencées, aménagées avec meuble vasque et miroir. Panneaux rayonnants dans les pièces de vie et sèche serviettes. Escalier bois. Jardins aménagés avec des stationnements privatifs. Souche et conduit de cheminée, boite aux lettres et antenne télé. » Chaque époque a sa phraséologie. Moi, je venais chercher le lait à Rigasse qui était alors une ferme près de l'entrée du bourg sur la route de SAINT-LYPHARD, chez des gens très gentils chez qui je venais aussi parfois garder les vaches. La leader du troupeau répondait au nom de : « Formidable », et elle méritait son nom.

Passé et présent se superposent, un peu comme dans un roman de Philippe K. Dick. Quant on ne connait pas le passé d'un lieu, il est quand même là. Au nord du 44, Les Écobuts ou Les Forges révèlent l'activité ancienne. La bouffée surgie d'un autre temps n'a pas la solidité du réel actuel, ce qui vaut mieux pour circuler sur la route. Résonnent les paroles de Nino Ferrer (La maison près de la fontaine) : « La maison près des HLM
 / A fait place à l'usine et au supermarché / 
Les arbres ont disparu, / mais ça sent l'hydrogène sulfuré / 
L'essence / 
La guerre / 
La société... / C'n'est pas si mal
 / Et c'est normal
 / C'est le progrès. » Merci, le progrès.

La suite : 8ème jour de la tournée des pancartes, voyage été 2011

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