Je suis parti un vendredi.
Je suis parti un vendredi. Le fléchage de la Loire à Vélo, commun à deux parcours cyclables européens de Nantes à Saint-Brévin (EuroVéloroute 6 et EV1) est toujours aussi rare sur le territoire de Nantes Métropole. Suivre le fleuve, le guide, la carte, la boussole ou le GPS sont des solutions alternatives en l'absence d'indications suffisantes. Au-delà du bac du Pellerin, les pancartes sont là. Sauf que la piste est coupée par des travaux en direction du hameau de la Martinière, et rien ne dit par où il faut alors passer. Le trottoir en principe cyclable pour sortir du Pellerin est comme d'habitude encombré par des voitures en stationnement. Les ruraux n'ont de respect que pour les véhicules à mazout, et pas pour des vélos comme le mien alimentés par les muscles et de l'électricité au charbon ou à l'uranium. Les véloroutes ne sont encore tout à fait des voies permettant aux cyclistes de se rendre d'un point à un autre de manière aussi sure que possible et sans se perdre.
Pourtant Loire à Vélo l'a démontré, les voyageurs à vélo présentent un réel intérêt économique. Leur multiplication crée un marché qui augmente les services offerts aux cyclistes, la voie structurante étant au départ financée par la puissance publique. Donc, pour avoir à l'avenir des voies plus cyclables, il faut soutenir leur création et utiliser celles qui existent.
À partir du canal de la Basse-Loire et au-delà, le balisage est correct, le département prenant le relais de la métropole, et c'est tant mieux car en son absence les lacis du parcours seraient difficiles à suivre par des chemins vicinaux roulants et des départementales peu circulées.
Le vent d'ouest est aussi présent que constant, cause sans doute de l'autonomie en baisse progressive, de 140 km affichés au départ à 35 (soit 65 faits + 35 restants =100 à l'arrivée) , le système recalculant en fonction de la quantité d'énergie demandée et restante.
J'ai eu une frayeur, sans dommage, quand le cintre s'est positionné tout-à-coup à 45° par rapport à l'axe de la roue. Le plongeur et la potence étaient desserrés. Le poids latéral ajouté à l'avant (9 kg au total) et le ballant produit ont créé le problème, ou le serrage était insuffisant, ou bien la direction n'est pas conçue pour cet ajout de poids. Ce serait fort ennuyeux pour voyager. Un jeu de clés allènes acquis au supermarché de Paimbœuf et un serrage plus tard, la sécurité m'a paru suffisante pour continuer. J'ai quand même repositionné les sacoches à l'arrière. Peu habitué au port du poids à cet endroit, j'ai trouvé les réactions de la direction étranges et fait preuve de la plus grande prudence dans les manœuvres et les descentes.
Le petit hôtel à Mindin est très approprié. Accueillant, propre, calme (j'étais le client unique du jour), offrant un parking à vélo et une terrasse par chambre pour un prix raisonnable, LAV y contribue au chiffre d'affaires. Il fermait à 20 h le vendredi soir. Il a suffi de déposer les clés dans la boite aux lettres le matin.
J'étais venu pour le serpent. Une sculpture de l'exposition Estuaire. Pas déçu. Le squelette dégage de la force. Parfaitement intégré à son environnement, primitif et sophistiqué, il semble avoir surgi de l'Océan pour s'échouer majestueusement au bord extrême du grand fleuve sauvage bordé en son extrémité de chantiers et de raffineries. Les courbes du serpent géant répondent à celles du pont qui s'élance au-dessus du fleuve pour lier les deux côtés de l'eau, les bretons et les pictons. Les petites nenfants tout autour lui apportaient l'allégresse de la vie.
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Le lendemain, un samedi, le temps a été gris et frais jusqu'au milieu de l'après-midi. Le vent aura été variable dans ses directions et constamment au moins modéré à assez fort. Les brises de mer, les changements de masse d'air, les différences de température entre océan et continent, les marées, sont autant de causes probables de cet imprévisible vent de marais qui peut rendre fou, comme celui qui vient à travers la montagne selon Brassens.
Vélocéan, dans sa partie sud de Mindin au port du Collet, morceau de la Vélodyssée reliant la Bretagne à l'Aquitaine, fait toujours autant de zigs et de zags pour éviter les routes à grande circulation du bord de la côte Atlantique. On visite les lotissements. J'ai raté un zig ou un zag quelque part. Les pancartes sont là mais il manque un rappel après les carrefours. Peut-être qu'une indication avait disparu du côté des Moutiers. Si les aménagements semblent mieux respectés qu'après l'ouverture (les obstacles empêchant l'accès des automobiles aux voies réservées aux cycles étaient vandalisés), des gougnaffiers arrachent peut-être une pancarte ici ou là de temps en temps. Un couple de finlandais avec vélos et sacoches était aussi égaré que moi, l'œil dans le GPS et moi sur ma carte. Quelques kilomètres de boucle plus tard, ne me fiant plus qu'à ma carte et ma boussole, j'ai retrouvé ma direction.
Pornic fut rejoint à partir de la Ferté (ou Fertais) par la zone industrielle et commerciale en suivant les indications vers le port de plaisance. C'est plus direct que Vélocéan, majoritairement par des bandes cyclables, en évitant notamment le petit bout de très forte pente après l'étang du Val Saint-Martin. Je suis sorti de cette petite ville touristique et plaisante par la départementale. À l'heure du repas, c'est jouable. Les détours de Vélocéan sont agréables, permettent d'admirer la côte, mais les relances incessantes sont mal adaptées aux vélos en général et plus encore aux vélos chargés qui préfèrent la continuité pour économiser l'énergie.
J'ai revu le couple finlandais au café de Bouin. GPS ou carte, on finit par y arriver. J'ai suivi un bout du sentier cyclable vendéen, toujours aussi bien balisé et aménagé, vers le Gois, route submersible pour rejoindre l'ile de Noirmoutier. Hélas, la passerelle pour rejoindre directement Fromentine en restant sur le continent n'est pas encore réalisée.
Bouin, Beauvoir, Fromentine, Saint-Jean-de-Monts à marée haute... c'est pas encore gagné
Le cycliste est contraint d'emprunter le Gois puis le pont de Noirmoutier pour aller vers Saint-Jean-de-Monts, pour autant que la marée soit basse au moment opportun, ou bien il s'aventure sur la dangereuse départementale 22 à la circulation intense et rapide, ou encore il fait un détour par les marais et Saint-Urbain depuis Beauvoir-sur-Mer. La passerelle au-dessus, je crois, du Grand Étier de Sallertaine, envisagée en 2011, 2012 puis 2013 ne serait pas là en raison de l'opposition des écologistes mais aussi du passage des bateaux remontant et descendant l'étier, impliquant la réalisation d'un système basculant, une passerelle provisoire étant installée lors d'une course pédestre dans les marais. C'est ce qui se dit ; je me renseigne dans les bourgs. Depuis Saint-Urbain, la circulation des automobiles sur la D103 vers La Barre-de-Monts a beaucoup augmenté, en raison d'un revêtement neuf et élargi, mais surtout à cause des GPS qui indiquent aux automobilistes cette voie comme étant le passage le plus court entre Challans et la côte. Bref (sic), il reste compliqué pour le cycliste, au moins à marée haute, d'aller de Bouin à Saint-Jean-de-Monts. Sauf à installer la passerelle, le département de Vendée serait bien inspiré de proposer une alternative sur le continent.
Les passages de fleuves, rivières et bras de mer sont souvent embêtants à vélo, car ces passages sont relativement rares et quasi toujours communs avec la circulation motorisée. Le goulet est source de danger. En Loire-Atlantique, le franchissement de la Loire de l'EV1 et l'EV6 se fait par les ponts de Nantes, ou par le bac du Pellerin, ou celui d'Indre, les deux étant gratuits. Relier le nord au sud de Vélocéan est un peu moins simple mais peut se faire en sécurité. Soit on fait le détour par Le Pellerin, 60 km quand même, soit on franchit le pont de Saint-Nazaire par la navette LILA n° 17 qui peut charger huit vélos en réservant au 02 40 21 50 87. Il est envisagé de mettre en place courant 2015 un plateau pouvant transporter des vélos derrière un taxi à partir de la gare de Saint-Nazaire. Ce pont n'est pas interdit aux cyclistes, mais s'y aventurer est fort inquiétant à cause de l'intensité du trafic à pétrole. Quelques uns choisissent de le passer à pied, sur le trottoir, en prenant le temps, mais il est plus difficile de pousser à pied un vélo chargé dans une pente que de la franchir en pédalant avec un tout petit braquet.
À force d'évitements, mon parcours initialement prévu s'est allongé de près de 20 km. J'ai approché les 100 bornes. Logé à La Barre-de-Monts et après y avoir déposé mes bagages, je me suis rendu pour diner à Fromentine. La journée avait été belle, touristique.J'apprécie toujours autant le marais breton-vendéen, ses plats paysages, ses vaches débonnaires, ses éoliennes, ses bourrines et ses clochers que l'on perçoit des yeux et des oreilles à des kilomètres. Tout allait bien. Jusqu'à ce que...
Moteur d'assistance (?) du vélo cassé, TER en capilotade
À un stop, un craquement inquiétant puis un bruit ressemblant à celui d'une chaine savonnant entre deux pignons se firent entendre. Les pédales n'entrainaient plus le pédalier. Je n'ai pas cherché à réparer, et le loueur de vélo du lieu, fort prévenant, à 19 h 30 un samedi soir, non plus ; l'association moteur + pédalier + capteurs, les outils spécifiques sans doute indispensables et la probable complexité du tout, nous en ont dissuadé. Sanction immédiate, je suis rentré à pied. Trois kilomètres en poussant le vélo après cinq heures et demi de pédalage, ça peut se faire, plus ou moins dans la bonne humeur.
Mon premier voyage à vélo électrique s'est arrêté net. Je passe sur les problèmes d'intendance pour rejoindre, et faire rejoindre à mon vélo, le domicile. J'avais acquis cette machine sur... la réputation de fiabilité de la marque. Certes, sous garantie, il va être réparé. Certes, le système d'assistance fonctionne fort bien. Certes, ce n'est peut-être qu'une panne mécanique de cycle proprement dit, qui aurait pu arriver avec un autre vélo. Mais... gnagnagna gnagna.
Je suis reparti depuis Pornic par le train le lendemain. Ce Train Express Régional avait dix minutes de retard au départ, à cause d'un machin technique perturbé. Une des portes était bloquée, la girouette ne donnait plus d'indications, la sono pour les annonces était hors service, et les toilettes ne fonctionnaient pas non plus. Le sort vous dis-je. Un esclandre s'est produit entre un voyageur irascible, et lui aussi quelque peu dérangé, et le jeune chef de train, l'esclandreur voulant à tout prix uriner au besoin au milieu du wagon. J'entamais la conversation avec mon aimable voisin à la superbe moustache prolétarienne qui m'a raconté que des oisifs embêtaient les contrôleurs dans les trains emplis de travailleurs se rendant ou rentrant des Chantiers de l'Atlantique voici vingt ans. Il arrivait de temps en temps que les ouvriers, importunés par ces quidams avinés et désœuvrés, virent les importuns manu militari à l'occasion d'un arrêt. L'insécurité n'est pas une nouveauté, mais la solidarité pourvoyait. Ce train a fini par arriver à peu près à l'heure.
Je n'ai pas joué à la loterie. J'aurais peut-être du, et gagné un lot de consolation au deuxième tirage. Hormis le dérangement causé aux personnes qui ont bien voulu m'assister, ce week-end avorté m'aura plutôt fait sourire et fabriqué quelques souvenirs.
Mon petit tour sur Vélodyssée aura surtout été interrompu par la panne mécanique (ou électrique ou électronique de mon vélo, je ne saurai pas, les constructeurs ne donnent jamais les causes des pannes). Vélodyssée est la section française de l'EV1, section qui permet de rejoindre Roscoff à Hendaye au Pays Basque par un itinéraire balisé et en grande partie sécurisé, voir : http://carfree.free.fr/index.php/2012/05/30/la-velodyssee/. Comme la Loire à Vélo, malgré les imperfections de certains tronçons, c'est une formidable incitation au voyage à vélo, LAV connaissant d'ailleurs un succès spectaculaire.
Le petit moteur électrique (ou une pièce proche de ce moteur) de mon vélo a rendu l'âme, carrément, après 1300 km. Il devrait être remplacé dans la semaine. S'il n'est pas unique, le cas semble heureusement rare. La qualité allemande, qu'ils disaient... Et ton TER Pays de la Loire, où a-t-il été construit ?
Moins de dix jours plus tard, un bloc moteur complet neuf était installé. Et c'est reparti.
8500 km dont une dizaine de voyages en cyclo camping après, le nouveau moteur ronronne tranquillement.