Loire À Vélo, méchancetés et petits bonheurs

Petit propos introductif.

Plus d'une fois, en parcourant des itinéraires "aménagés" pour les vélos, il m'est venu à l'idée d'écrire aux "responsables" pour leur dire ce que j'en pense. Pour une fois, je l'ai fait. En voici des extraits. Il faut y faire la part de l'exagération, de l'humeur du moment, et du second degré.

Globalement, comme disait Georges Marchais, la Loire À Vélo, d'Orléans à Nantes, peut se parcourir sans encombres majeurs. En amont, la discontinuité, et la (mauvaise) qualité des revêtements sont parfois très discutables. Les retards importants pris dans la réalisation de l'itinéraire sont aussi à questionner vivement.

La Loire demeure sublime, les paysages magnifiques, les villes superbes, les habitants aimables et les commerçant serviables. Les rencontres et les échanges avec les autochtones et les autres cyclistes voyageurs, de nationalités très diverses, sont riches et faciles.

Pourtant, les aménageurs devraient se poser cette simple question : emmènerais-je sur la Loire À Vélo des enfants sans carte ni boussole pour un voyage de plusieurs jours ? Quand la réponse pourra être tout au long du parcours, en toute honnêteté, positive, la LAV répondra à l'attente de ses usagers.

J'ai envoyé ces commentaires à Messieurs les présidents du conseil général du Loiret et du conseil régional du Centre, ainsi qu'à Monsieur le préfet du Loiret et du Centre. Ils en feront ce qu'il leur semblera bon.

Les méchancetés sont rarement utiles, voire fréquemment contre-productives, mais ça soulage... 

Monsieur Éric DOLIGÉ, Président du Conseil Général, Sénateur du Loiret, a eu l'amabilité de m'apporter des éléments de réponse que je mets à disposition : reponse-cg-loiret-page-1.pdf reponse-cg-loiret-page-1.pdf reponse-cg-loiret-page-2.pdf reponse-cg-loiret-page-2.pdf

Les photos donnant une idée plus positive, et en fait plus proche du bilan que je tire de ce voyage sont visibles là   http://picasaweb.google.com/105494772410639442738/CROIXCENTRALESCANAUX?feat=email#

Jour 1. Premier jour du voyage itinérant de l'été 2010 d'Orléans (département du Loiret, région Centre) à Chatenoy (Loiret) via Donnery, Fay-aux-Loges, Combreux dont les trois premiers quasiment hors de l'itinéraire de Loire à Vélo (LAV) proprement dit.

Le parcours : http://www.gpsies.com/map.do?fileId=wcrvmpjvspmflvup

(…) Le paysage aux abords du canal d'Orléans en direction de Montargis est très agréable. En revanche, le sentier, chemin de halage, est peu roulant. Quelques passages sont franchement très médiocres. Le revêtement est parfois de mauvaise qualité, ou a été très mal posé, et n'a été vérifié par personne. Les traces de roues des vélos montrent que les usagers recréent un passage dans l'herbe à côté du rapiéçage. L'effet tôle ondulée, genre « salaire de la peur » est garanti. Le banc d'essai pour la vérification du bon état de serrage de l'ensemble des boulons est très efficace, et a été passé avec succès par ma machine.

Le cheminement ne bénéficie d'absolument aucune indication, ni sur le lieu traversé, ni sur la direction, ni sur les distances, ni à propos des commerces de proximité ou des lieux d'hébergement par exemple.

Parfois, une rive est plus aménagée que l'autre. Rien ne le dit. Il m'aura fallu inopinément, après démontage des sacoches (je peux pédaler sur mon vélo lourd, pas le porter chargé) franchir une passerelle pentue faite toute de marches car la berge où je m'étais engagé était devenu trop herbeuse pour que je puisse y rouler.

La mise en valeur de ce lieu magnifique ne semble pas d'actualité. Au mieux, les habitants du cru peuvent y faire un petit tour, mais de là à utiliser ce vecteur pour circuler à vélo ou à pied entre Orléans et Montargis à l'écart des automobiles, il y a la marge où la volonté politique n'est pas encore entrée. Qui qui connaît peut y aller, qui qui connaît pas doit se dépatouiller. Pourtant, j'ai vu, outre les promeneuses et promeneurs autochtones source d'informations précieuses, plusieurs voyageurs à vélo qui s'aventurent sur les bords de ce joyau que quelques pancartes et un peu de soin dans la réfection du cheminement latéral suffiraient à grandement valoriser pour un coût très modéré.

Le camping de Chatenoy m'a confirmé l'existence d'un marché suscité par les cyclistes. Il leur offre un tarif particulier, et il n'est pas pourtant en bordure immédiate du canal.

Image idyllique ne donnant pas une juste idée de l'état réel du chemin.

J2, hors de la LAV, de Chatenoy (Loiret, Centre) à Châtillon-Coligny (Loiret, Centre) via Beauchamps-sur-Huillard, Chailly-en-Gâtinais, Chevillon, Montargis, Amilly, Montcresson, Montbouy.

Le parcours : http://www.gpsies.com/map.do?fileId=tjtzyhujxeyqnfua

J'ai perdu du temps dans Montargis. Les grandes directions sont indiquées : Nevers, Bourges, Paris. Les villes satellites le sont aussi, mais comme elles sont parfois présentes de part et d'autre de la voie empruntée, les indications ne servent pas à grand chose. La ville-centre admet les satellites, mais pas la concurrence, celle des villes situées à 15 ou 20 km et que je vise.

(…) Je suis sorti des chemins de halage du canal d'Orléans et de celui de Briare à plusieurs reprises, pour me repérer, toujours aucune indication de direction, de distance ou de services, et pour accéder à un minimum de confort, les chemins sont dans un état par moments très moyen, parfois peu roulants, souvent cahoteux, caillouteux, avec un très faible rendement et beaucoup beaucoup de secousses provoquant fatigue et douleurs musculaires. (...)

Je me demande si je vais choisir demain la route ou le canal. Les côtes sont, malgré le poids du vélo chargé et des ans, moins fatigantes que les irrégularités du chemin de halage. Les petites routes départementales sont moins fréquentées qu'en Loire-Atlantique, du moins à cette saison. Ces routes ont des numéros, et des panneaux indiquant où elles vont. Ce sont des routes.

J3, avec un petit bout de LAV à l'arrivée, de Châtillon-Coligny (Loiret, Centre) à Saint-Satur (Cher, Centre) via Dammarie-sur-Loing, Rogny-les-Sept-Écluses (Yonne, Bourgogne), Ouzouer-sur-Trézée, Briare (Loiret, Centre), Châtillon-sur-Loire, Baulieu-sur-Loire, Belleville-sur-Loire, Cosne-Cours-sur-Loire (Nièvre, Bourgnogne), Saint-Thibault.

Le parcours : http://www.gpsies.com/map.do?fileId=cvesubrdmkuzxacb

Treize kilomètres de plus que prévu. J'ai commis une erreur en empruntant un sentier pourri et même franchement dangereux en bordure de la Loire au sortir du pont-canal de Briare par la rive Sud. Le fléchage « Loire À Vélo » est idiot. Il indique « circuit Loire ». Depuis quand la Loire tourne-t-elle en rond ? A moins qu'il ne s'agisse d'un circuit local, ou encore de discontinuité frontalière entre deux ou plusieurs baronnies ou comtés.

La notion de voyage à vélo n'est pas dans les têtes des édiles et des techniciens. L'idée qui domine, et mes voyages depuis vingt ans me le confirment un peu partout dans le Grand Ouest de la France et au-delà, est d'offrir un parking pour y laisser sa voiture, et de faire une petite boucle à vélo. Depuis la fin du 19ème siècle, avant le façonnage de nos habitudes et de nos villes par les véhicules individuels à pétrole, des cyclistes ont accompli de grandes distances à vélo. Une littérature abondante de cette époque le montre. Les cyclistes sont à l'origine de nombre d'aménagements de routes, et d'associations d'automobilistes. Les cartes étaient moins fines qu'aujourd'hui. Ces voyageurs devaient souvent demander leur chemin aux passants ou frapper aux portes des maisons. Les cyclistes en sont encore là cent cinquante ans plus tard. Le progrès est progressif. Très.

Un département de l'Ouest au moins a pris conscience de l'intérêt d'offrir des routes qui sont des vrais routes pour les vélos. La Vendée offre des aménagements cohérents et des cheminements clairs, avec des panneaux d'information limpides. Ce n'est certes pas parfait partout, mais on a le sentiment d'une politique d'ensemble, d'une volonté d'offrir à l'usager non seulement des petites boucles mais aussi de vrais vecteurs pour aller d'un lieu à l'autre même s'ils sont (relativement) éloignés. Les îles et la côte sont particulièrement bien aménagées, à un point tel que les encombrements de vélos menacent à certains endroits, mais l'intérieur est également pourvu. Point n'est besoin pour voyager à vélo en Vendée de préparer longuement en demandant à chacun des cantons traversés des brochures, ni d'emporter un GPS et des tonnes de cartes en papier avec un sextant. Des panneaux superbes indiquent à intervalles réguliers les grandes directions, les routes à suivre, les curiosités locales, et proposent un zoom sur l'endroit où l'on se trouve. Le commerce de proximité est gagnant.

Détail d'un panneau d'information sur les sentiers cyclables de Vendée

Panneau d'information pour les cyclistes dans le sud de la Vendée

Panneau indicateur propre, clair et précis. 

Des vélos, j'en vois de plus en plus. J'ai remonté la Loire, de Saint-Brévin au Mont Gerbier de Joncs, en 1991, avec mon club cycliste qui a fêté son centenaire l'année dernière. Nous passions alors pour des originaux, alors que nous étions dans la droite ligne de nos activités traditionnelles. Il y a quarante ans, période où le mythe du toujours plus loin toujours plus vite toujours plus motorisé battait le tam-tam dans toutes les têtes, nous étions des excentriques. Je suis devenu banal avec mon véhicule à pédales et mes sacoches pour faire mon petit voyage estival. Tant mieux. Nombre de campings proposent des tarifs spécifiques ou des places avec des bancs par exemple. Les « estrangers » à bicyclette, en groupe ou en famille souvent, constituent parfois la majorité des clients. Les boulangeries, les bars, les restaurants, les musées, les châteaux, travaillent en partie, parfois en bonne partie, grâce aux cyclistes.

Des élus, et des techniciens, pendant ce temps, dorment tranquillement sous l'édredon de leurs conceptions caduques et déréalisées, laissant les itinéraires cyclistes à l'état de fange. J'ai été surpris de la présence importante d'anglais, d'allemands, de suédois, mais aussi d'italiens et même d'une famille russe, mais encore par les interruptions du fléchage de la Loire À Vélo, des chemins transformés en fondrières à la première averse, des revêtement gluants ou glissants et toutes autres sortes de joyeusetés indignes d'une nation développée. Ne pas être les seuls ne console pas. Des allemands disaient à propos de l'Eurovélo 6 en Allemagne : « ils ont fait les cartes, ils ont oublié les routes ». La formule est brutale sans doute, infiniment plus synthétique que mes bavardages certainement, mais, hélas, réaliste. La Loire À Vélo dans le Loiret, sauf aux abords des grandes villes, c'est beau comme l'Allemagne. Je cause même pas des canaux...

Je ne suis pas moins convaincu qu'il existe des personnes qui font ce qu'elles peuvent. Il est plus que probable qu'il existe à tous les niveaux des bonnes volontés qui ont la certitude qu'une partie de l'avenir est là, dans les cheminements doux, dans le tourisme de proximité, au bénéfice du développement de la contrée, mais ils ont à affronter les atermoiements, les choix illogiques, les idéologies passéistes qui sont autant d'obstacles quotidiens. Je leur souhaite bien du courage. (...)

J4 de Saint-Satur (Cher, Centre) à Gien (Loiret, Centre), via Sancerre, Ménétréol, Bannay, Cosne-Cours-sur-Loire (Nièvre, Bourgogne), Belleville-sur-Loire (Cher, Centre), Beaulieu-sur-Loire (Loiret, Centre), Bonny-sur-Loire, Ousson-sur-Loire, Briare, Saint-Brisson-sur-Loire.

Le parcours : http://www.gpsies.com/map.do?fileId=ydzhjdfdthxrkcmm

Même quand le balisage existe sur la Loire À Vélo (LAV), il peut être bizarre. Tout organisateur de randonnée cycliste de village possède le savoir-faire nécessaire. Une flèche de direction quelques dizaines de mètres avant le carrefour, une autre dans le carrefour, une troisième quelques dizaines de mètres après le carrefour. Par ailleurs, pour un itinéraire linéaire et non circulaire, l'indication de la prochaine ville (au moins) avec sa distance est bienvenue à chaque changement de direction. Ne pas respecter ce cahier des charges très élémentaire expose l'organisateur à de vives remontrances à l'arrivée. Je l'ai constaté à plusieurs reprises depuis quarante-huit ans que je fais du vélo de route. Les aménageurs de la LAV, à l'évidence, ne disposent pas de cet élémentaire savoir-faire. Ils mériteraient une bonne avoinée.

La LAV connaît décidément des problèmes de balisage. Au sortir du pont-canal à Briare, abordé pour la seconde fois sur le chemin du retour maintenant après la montée à Sancerre, un couple de hollandais voulait aller l'un dans une direction, l'autre dans une autre. Trois cyclo-campeurs britanniques, grands, jeunes, fins et racés, aussi perdus que les trois autres (dont moi) face au panneau indiquant que la Loire coule en boucle, se sont résolus à prendre la confortable départementale 951 peu fréquentée en ce dimanche 15 août. Il est symptomatique que l'on rencontre au moins autant de cyclistes sur les routes départementales que sur le cheminement spécifique de la LAV, non sans qu'il prennent quelques risques.

Les carrefours de la LAV sont autant d'occasions d'échanger avec d'autres voyageurs à vélo, avec mon anglais malheureusement limité. Chacun informe l'autre sur les voies possibles par où il est passé quand nos directions sont opposées. Nous nous interrogeons de concert sur les mystères des panneaux absents et les voies probables quand nos directions sont semblables. C'est sympathique. Le vélo est un outil très humain et un bon moyen de communication. Mais là, c'est un peu trop. (...)

Des vélos, le long de la Loire À Vélo, y'en a partout.

J5 de Gien (Loiret, Centre) à Jargeau (Loiret, Centre) via Sully-sur-Loire, Saint-Benoît-sur-Loire, Germigny-sur-Loire, Châteauneuf-sur-Loire.

Le parcours : http://www.gpsies.com/map.do?fileId=cxfqljwxzdskjeux

(…) Peut-être qu'il me faudrait renoncer à tenter de suivre la LAV. L'irrégularité des aménagements est-elle due à la variété des aménageurs ? Le Grand Démembrement du début des années 80 est-il préjudiciable à l'avancée des vélos ? Les baronnies, les comtés, les duchés, qui est responsable de quoi ? Y-a-t-il un pilote au guidon ?

J'ai trouvé un tronçon (tronçon est le mot qui convient tant le saucissonnage est évident) avec un grand panneau de la collectivité (j'ai oublié laquelle) annonçant fièrement sa marque (j'aime bien ceux qui jouent les sponsors avec les sous des contribuables), sur une digue. L'aménagement s'est avéré être une vraie galère. Sur cette levée, d'un côté un revêtement sablonneux de belle épaisseur, où les roues de mon lourd destrier s'enfonçaient tant que ma vitesse fut réduite à celle d'un piéton anémique, même en appuyant très fort, ce que je n'apprécie pas de devoir faire, de l'autre un simili revêtement gravillonneux, à peine plus roulant et donnant le sentiment d'avoir une direction subitement devenue floue, ce que je n'apprécie pas davantage. Peut-être que l'aménagement n'est pas terminé ? Le liant demeurerait à ajouter ?

Déjà qu'hier j'avais traversé des fondrières, je commence à être tenté de vouer à la peste les aménagements et les aménagieux. Bien sûr, aucune indication. Aucun panneau de direction ou de distance, rien d'autre que le vent dans le nez pour me dire quelle voie emprunter, si la voie est provisoire, ou si, au moins, elle va à peu près là où j'espère pouvoir me rendre.

Ces problème de balisage sont décidément agaçants. Autant ne rien faire, ne rien dire, ne rien communiquer. Je sais me débrouiller sans aucun fléchage particulier. Ce qui énerve, c'est l'attente d'un minimum qui n'existe visiblement pas. Au mieux, on a fait semblant.

Même sur les tranches balisées, le cheminement est obscur. Une direction est indiquée, par une simple flèche. Il reste à souhaiter que ce soit celle que l'on souhaite emprunter, et non son inverse. La flèche peut aussi se trouver non dans le carrefour mais plusieurs centaines de mètres, voire plusieurs kilomètres plus loin, par exemple à Saint-Père-du-Loir vers l'amont. La source de confusion est évidente. Ce mode de fléchage (en est-ce un ?) n'obéit pas du tout aux habitudes en vigueur. Il donne le sentiment de l'incompétence notoire, du jemenfoutisme patent, voire d'intentions sadiques.

La question me semble plus vive ici parce que je suis en terra incognita. Ce n'est pas toujours mieux près de chez moi. À Ancenis, par exemple, également au sortir du pont rive droite, vers l'aval, pas plus de pancarte qu'à Saint-Père. Les cyclistes s'arrêtent, finissent par apercevoir une silhouette blanche de cycliste au sol sur le trottoir de gauche agrémentée d'une flèche, alors que ce trottoir n'est pas cyclable. Là aussi, le balisage reprend plus loin. Dans le même esprit pratique et logique, je propose de supprimer les indications de manière aléatoire sur certaines portions de routes pour voitures, au nom de l'égalité entre les usagers. Quand même, quelle étrange idée que de faire des itinéraires sans queue ni tête... (Un des rares panneaux un peu clair en 800 bornes annonçait la direction de la Queue-de-l'Île via le Cul-du-Four, sur l'Île de Chalonnes dont les habitants sont des gaulois.) De même, un cycliste de Blois a fait part à un cycliste nantais membre de l'association Place Au Vélo, rencontré du côté de Paimbœuf, que retrouver le parcours de la LAV à partir de la gare de Nantes était une galère. L'association va tenter de sensibiliser les autorités concernées au problème.

La conception qui prévaut pourrait être déduite à partir de l'état du parcours. Tantôt l'idée est de pouvoir se promener en famille, tantôt le Tro Bro Léon, et tantôt carrément Indiana Jones. Je pense proposer un IIJ (indice Indiana Jones) avec une cotation pour chaque tranche de l'itinéraire. À cinq pédales sur l'IIJ, le char d'assaut serait indispensable.

Entre les bouts impraticables, pour cause de revêtement inadapté, les pancartes inexistantes ou disposées en dépit du bon sens, le cheminement en pointillés, la question se pose, non seulement de l'indifférence et la procrastination des aménagieux, mais encore de la volonté partagée à tous les étages de faire de la LAV, dans cette contrée, un parcours propre à décourager des voyages à vélo le voyageur à vélo le plus passionné qui soit.

Le pompon est à décerner, pour aujourd'hui, à la tranche (très fine on va le voir) entre Germigny-des-Prés et Châteauneuf-sur-Loire. J'ai visité trois fois le hameau du Mesnil. J'ai abouti deux fois dans des culs-de-sacs, chemins de dessertes de parcelles fort épais en sable où le bas de mes roues disparaissait jusqu'au dessus des jantes, stoppant net toute velléité d'avancée. J'ai vu l'entrée Est et l'entrée Ouest de Germigny.

La seule indication dans le Mesnil fut une pancarte à deux faces. L'une portait « début provisoire d'itinéraire », l'autre « fin provisoire d'itinéraire ». En l'absence de toute autre information, flèche de direction ou indication du village suivant, j'en ai déduit que le début et la fin se suffisent à eux-mêmes, réunis une fois pour toutes en un même lieu, qui aurait pu être en tout autre point du globe et de l'univers tout entier. N'étant pas là que pour philosopher, je résolus de prendre la route départementale, où je croisais un certain nombre d'énergumènes de mon espèce, quoique moins stupides et moins naïfs. « Mesnil » signifie « maison » et est un toponyme très répandu, un partout et un nulle part, un presque triangle des Bermudes.

En arrivant à Jargeau, ma conclusion fut tirée. Puisque la LAV ne veut pas de moi, je n'en veux pas non plus. J'acquis donc une carte plus détaillée de ce pays à l'écart de la civilisation, un feutre surligneur, et traçais mon parcours à ma manière habituelle. La LAV, dans ce duché et cette baronnie, je la laisse aux gémonies.

Je comprends maintenant les messages des militants de l'AF3V du secteur que je reçois et consulte d'un œil aussi rapide que distrait. Ces gens sérieux et constructifs sont beaucoup plus modérés que moi dans leur expression, mais, sur le fond, nous nous rejoignons. Les aménagieux sont des moulins à vent. Ils brassent peut-être un peu, mais aucune farine ne sort. Quelques bennes de sable pompés aux abords du lit de la Loire proche, un paquet de traitres cailloux, une poignée de pancartes jetées au hasard, aucune idée d'ensemble ou de continuité, quelques beaux panneaux avec des slogans ronflants commandités chez quelque cabinet spécialisé, la Très Haute Assemblée (laquelle ? Peu me chaut !) dort tranquille. Les écolos devront se satisfaire de ce qu'ils n'auront pas (même si je ne suis pas bien certain de l'être, écolo). Au diable le tourisme de proximité, les circulations douces, les bourgeois à pédales, les vacances en famille et sans carbone. Demeurons dans nos conceptions des années soixante (1800 ? 1900 ?), d'automobile triomphante et omnipotente, de civilisation du camion. La LAV est peut-être assimilée dans leurs têtes à une décision venue d'ailleurs (de l'Europe ? Quelle horreur !) et les fiers petits marquis de Pontcallec du cru mettent un point d'honneur à résister autant qu'il leur est possible en se donnant l'air de faire. Ce ne sont plus des aménagieux, ce sont des sabotieux. 

Il aura fallu le croisement de pas moins de six financements pour cette passerelle pour piétons et vélos entre les département des Deux-Sèvres et de la Vendée. Amis du millefeuilles, vous nagez dans le bonheur. Au moins, elle est opérationnelle, belle, et contrôlée par Veritas. 

J6 de Jargeau (Loiret, Centre) à Muides-sur-Loire (Loire-et-Cher, Centre) via Orléans, Saint-Hilaire-Saint-Mesmin, Meung-sur-Loire, Beaugency (Loir-et-Cher, Centre), Avaray.

Le parcours : http://www.gpsies.com/map.do?fileId=hilzqbpxaguqxwos

Quel contraste avec les journées précédentes que l'arrivée à proximité de la cité puis à Orléans. Des passerelles à vélo pour accéder à la très agréable promenade le long de la Loire entre deux ponts sécurisés donnent enfin à l'esprit la liberté de faire du tourisme en toute quiétude, sans pester ni se perdre. Des voies à l'occasion « unpaved », donc sources de forte méfiance, chaque changement de couleur du revêtement étant vécu avec angoisse, mais au final propres à la pratique de la bicyclette traditionnelle et non du quad rural. Deux siècles de progrès en quelques encablures...

J'ai failli me mettre à genoux devant la représentation de ce que suppose être un Saint-Georges à la mine altière terrassant le dragon à droite du gisant de Monseigneur Félix Dupanloup en la cathédrale d'Orléans. Puisse Saint-Georges terrasser les bagnolards qui ont « réalisé » la LAV de Sancerre à Jargeau ! Puisse Jeanne bouter hors de la LAV les caisseux aux idées arc-boutées contre les vélos !

Si vous voulez une idée de l'état des "routes" pour les vélos dans le Loiret, notamment quand il pleut : voilà. C'est gluant, glissant et indigne.

J7 de Muides-sur-Loire (Loir-et-Cher, Centre) à Amboise (Indre-et-Loire, Centre) via Suèvres, Blois, Madon, Candé-sur-Beuvron, Rilly-sur-Loire, Mosnes (Indre-et-Loire, Centre), Artigny.

Le parcours : http://www.gpsies.com/map.do?fileId=ospjsqdwdzdxxmtt

J'ai parfois suivi la LAV et parfois non. Il se confirme que les cyclistes passent aussi beaucoup ailleurs que par le parcours aménagé, ce qui pose la question de l'aménagement, de son agrément, de sa carrossabilité pour toutes les sortes de machines mues par la force musculaire. J'ai croisé un tricycle surbaissé entrainé par les bras, par basculements successifs du guidon. La LAV est infiniment mieux balisée et aménagée que plus en amont. Avant Orléans, c'est le désert des barbares.

Les amis de Cyclo Camping International n'ont pas encore édité de fiche sur le Loiret et le Cher, comme ils le font pour l'Inde ou le Pérou, recommandant le périscope les jours de pluie pour franchir les flaques, des pneus baloons de 65 mm de large gonflés à 2,5 bars pour se sortir des passages sablonneux, et d'être accompagné de pilotes locaux pour naviguer sans encombre entre les hameaux. Je devrais peut-être m'y mettre. Mais ils ont souvent des vélos destinés aux pistes rustiques des pays en développement qui ne possèdent pas les mêmes avantages et inconvénients que ma luxueuse machine artisanale sur mesures en principe adaptée aux voies carrossables des nations avancées.

Le concept de « voie carrossable » pour les vélos vaudrait d'être interrogée de manière plus approfondie. Le type de carrosse (vélo), et donc de pratique, que les aménageurs prennent implicitement pour aune pourrait aussi être déduit à partir de l'état des itinéraires proposés. Je soupçonne a priori que le vélo majoritaire dans les magasins, un VTT solo droit, léger, sans sacoches ni garde-boue, avec suspensions avant et arrière, emporterait la palme. Indispensable dans les chemins avec trous en formation (ils sont en effet très souvent regroupés) tenant davantage des nids d'autruches que de ceux de nos petits gallinacés européens. Les remorques (avec enfants ou chiens), les tricycles, les vélos couchés à deux ou trois roues éventuellement surbaissés, les tandems, les troisièmes roues, sont pourtant courants chez les adeptes de la LAV. 

Bel exemple de piège pour des vélos différents du vélo que les aménageurs croient être unique. 

 

Il y a pourtant plusieurs sortes de vélos, qui vivent ensemble sans aucun conflit.

Il existerait donc une idéologie dominante chez l'aménageur, sans rapport avec la réalité de la diversité des engins et des pratiques. Ma belle machine avec ses six sacoches et ses porte-bagages surbaissés, sa superbe selle cuir française, sur le modèle de ce qui existe depuis les années 1930 dans la silhouette et les chromes, avec une transmission contemporaine indexée et des cales automatiques, ne correspond pas à cette idéologie dominante imposée par le marché. « Après quarante-huit-ans de pratique du vélo, je ne vais pas commencer une carrière de suiveur » aurait pu dire Carolus Magnus de Gaulle.

La carrossabilité a un coût. Certes. Combien de mètres d'autoroutes pour combien de dizaines de kilomètres de route cyclable ? Avec un rond-point, combien d'aires de repos pour vélos ? Le budget est l'acte politique par excellence, et chaque part permet de mesure l'effectivité des choix par-delà les déclarations d'estrades.

J8 d'Amboise (Indre-et-Loire, Centre) à Langeais (Indre-et-Loire, Centre) via Montlouis-sur-Loire, Tours, Savonnières. (...)

Le parcours : http://www.gpsies.com/map.do?fileId=zwhcsuihdoprvgpy

J9 de Langeais (Indre-et-Loire, Centre) à Les Rosiers-sur-Loire (Maine-et-Loire, Pays de la Loire), via Bréhémont, Huismes, Avoine, Candes-Saint-Martin, Montsoreau (Maine-et-Loire, Pays de la Loire), Varennes-sur-Loire, Saint-Lambert-des-Levées, Saint-Martin-de-la-Place (...)

Le parcours : http://www.gpsies.com/map.do?fileId=gwmyuykxavvslirr

Des indications claires dans le Maine-et-Loire.

J10 de Les Rosiers-sur-Loire (Maine-et-Loire, Pays de la Loire) à Montjean-sur-Loire (Maine-et-Loire, Pays de la Loire) via Gennes, Le Thoureil, Saint-Rémy-la-Varenne, Saint-Mathurin-sur-Loire, La Daguenière, les Ponts-de-Cé (...)

Le parcours : http://www.gpsies.com/map.do?fileId=jqjuqripfxfeedgu

J11 de Montjean-sur-Loire (Maine-et-Loire, Pays de la Loire) à Nantes (Loire-Atlantique, Pays de la Loire) via Saint-Florent-le-Vieil, Ancenis (Loire-Atlantique, Pays de la Loire), Oudon, Mauves-sur-Loire.

Le parcours : http://www.gpsies.com/map.do?fileId=guquufuteyrtrhvq

Un morceau d'itinéraire provisoire a été ajouté entre Oudon et la piste en contrebas de la voie ferrée vers Mauves. C'est un progrès notable qui permet d'éviter les bosses de la route départementale 751 entre Oudon et La Varenne. Malheureusement, là où elle s'éloigne de la voie du train, cette piste demeure trop étroite pour les trikers, les tandems et les remorques.

Sur la (belle) piste en contrebas du ballast entre Ancenis et Oudon, un panneau, le premier du genre que j'ai jamais vu, indique « partageons la route », avec une silhouette de piéton et une de vélo. Un peu plus loin, un autre panneau précise en toutes lettres (donc incompréhensible pour les nombreux étrangers) « piétons prioritaires ». Ma légère paranoïa m'incline à penser que les cyclistes ne sont jamais, jamais, prioritaires. Je n'ai jamais vu de panneau, lui plus fréquent, « partageons la route » avec une silhouette de cycliste et une autre de demi-voiture, précisant « vélos prioritaires ».

Le sommet du genre est une voie verte bretonne, par ailleurs d'un luxe inouï, avec bitume idéal, bancs, corbeilles, panneaux indiquant le moindre hameau, etc. mais où tous les passages croisés sont prioritaires sur la voie verte, y compris le passage entre deux prés, certainement utilisé de temps en temps par un seul troupeau de vaches. Bien sûr, de nombreuses chicanes interrompent la progression, une à chaque carrefour, les carrefours étant très nombreux. Tout pratiquant du vélo, surtout lourd, sait que l'effort maximal est à produire au démarrage. Cette belle voie verte est donc épuisante. Ces chicanes permettent à peine de passer avec un vélo pourvu de sacoches, et sont rédhibitoires pour un tandem, une remorque ou un triker (vélo à trois roues comme celui de l'ami Michel). Leur voie verte leur a coûté cher, elle est imbécile et à éviter.

Quel est le cahier des charges pour les itinéraires cyclables ? En existe-t-il seulement un ? Quelle vérification de la possibilité d'usage de la voie est faite ? Par qui ? Dès qu'on ajoute une rallonge électrique dans un bureau, un organisme certificateur débarque, à croire qu'il sont tapis dans l'épaisseur des moquettes des couloirs, mais pour une voie cyclable destinée à l'usage du public : rien de rien. Le vélo n'est pas encore entré dans l'ère du droit, de la règle valable sur l'ensemble du territoire national. Les itinéraires cyclables sont en 1788.

Je ne sais plus comment s'appelle cette émission de la chaîne du bétonneur pourfendant systématiquement le service public, et le gaspillage des fonds publics. Il y aurait matière, avec les itinéraires cyclables, à faire un documentaire sérieusement documenté, sur les conséquences de l'argent qu'on y met pas, et sur celui qu'on y jette. Ce n'est plus mon métier. Quand même, si les élus et les techniciens descendaient de temps à autre de leur morgue pour causer avec les très très nombreuses associations, briques de base de notre démocratie, afin de prendre l'avis des citoyens, ceux-là même dont la contribution permet les progrès collectifs, nombre de bêtises pourraient être facilement évitées, et de mieux utiliser les mêmes montants d'investissement. La démocratie suppose de temps en temps un peu de modestie et d'écoute des usagers, surtout quand ils sont spécialistes, alors que les techniciens ne le sont visiblement pas, ce qui se déduit facilement en parcourant les itinéraires prétendument cyclables.

PLAQUE EN FONTE DATANT DU TEMPS Où LA PRÉCISION AVAIT UN SENS

Plaque en fonte sous le pont de Saint-Florent-le-Vieil, datant du temps où la précision avait un sens.

Au retour, en consultant ma messagerie, j'apprends que la LAV est coupée (tant qu'à faire !) entre La Ville-aux-Dames près de Saint-Pierre-des-Corps et Montlouis-sur-Loire chaque année pendant plusieurs jours, pour y installer des machines pour broyer les végétaux. La circulation des vélos est reportée sur la route départementale 751. J'en déduis logiquement que la voie verte est une « bande arasée multifonctionnelle », comme diraient les technologues, utilisable à l'envie pour l'entretien ou l'entrepôt, et que les sous-usagers à pédales n'ont qu'à passer ailleurs, au mépris de leur sécurité. L'Eurovélo 6 ! Quelle Eurovélo 6 ? On a des végétaux à broyer à Pétaouchnok-les-Oies. Que les vélos appliquent l'article 22 : chacun se dém... comme il peut ! Je travaille moi Monsieur !

Je choisis d'en rire.

L'itinéraire de la Loire à vélo se perfectionne au fil du temps, même si ce temps s'étire beaucoup trop, ainsi, par exemple, six ans après l'écriture des lignes qui précèdent, le balisage dans Nantes demeure défaillant. Son succès ne se démend pas, et même grandit chaque année. LAV est emblématique de l'itinéraire cyclable qui a rencontré un grand public international. Les commerçants font des affaires le long de l'itinéraire, et offrent de plus en plus de services aux touristes à vélo. Et puis la Loire... La voir tous les jours de travail ne me suffit pas, je passerai volontiers mes loisirs au long de son lit sans me lasser.