Haute-Goulaine, ville cyclable ?

Les saillies de l'un, les dénégations des autres sur ce blog :

 http://ablogm.com/velorution14/2011/06/09/une-commune-francaise-anti-velo-ca-existe/.

Alors, j'y suis allé voir. Haute-Goulaine est à une douzaine de kilomètres de chez moi et vaut bien une sortie vélocypédique dominicale dès potron minet. Je n'ai pas d'autre compétence pour faire des observations que celle d'être un usager quotidien du vélo depuis cinquante ans, à Nantes et alentour, dans le reste de la France et parfois un peu ailleurs, à raison de quelques milliers de kilomètres annuels.

Je ne suis pas probablement pas objectif. Je m'efforce de prendre en compte les contraintes visibles depuis mon engin à pédales : largeur des voies, intensité de la circulation, accessibilité des commerces, des services publics, des établissements scolaires... mais surtout j'observe la continuité ou non des aménagements cyclables, la sécurité des cyclistes, l'incitation à l'usage de la bicyclette pour les transports quotidiens. C'est un parti-pris, une conviction, en m'efforçant d'être équilibré quand même dans le jugement. Je ne me prive pas de pousser un peu la polémique quand je l'estime nécessaire, histoire de tenter d'avoir plus d'impact.

présentation générale 

Haute-Goulaine est une ville de 5 500 habitants à la limite sud-est de l'agglomération nantaise, qui ne fait pas partie de Nantes Métropole mais de l'intercommunalité Sèvre, Maine et Goulaine. Ses paysages hors agglomération présentent des vignes de producteurs de Muscadet et de Gros-Plant, des exploitations maraichères, les très beaux marais de Goulaine et un château éponyme. Côté circulation, si l'on met de côté la voie rapide vers Cholet, qui n'intéresse guère les cyclistes, et les zones d'aménagement (qui mériteraient sans doute des observations spécifiques), Haute-Goulaine dans sa partie « historique », celle du bourg, présente classiquement deux voies principales qui se croisent à peu près à l'église : la D74 va vers le nord et vers l'est, la D119 va vers l'ouest, et la D105 va au sud. Cette presque croix sépare l'agglomération principale en quatre quarts. Les quarts nord-est et sud-ouest sont occupés par des lotissements. Les quarts nord-ouest et sud-est aussi, mais moins car de la place a été laissée à la verdure et l'agriculture.

La maire, M. Daubisse, est UMP. Je ne suis pas sûr que le vélo soit de droite ou de gauche. Strasbourg, ville la plus cyclée de France, n'a pas toujours été dirigée par la gauche. La Vendée, département possédant les réalisations cyclables les plus cohérentes de l'Ouest, n'est pas non plus dirigée par la gauche. Il n'est pas faux quand même qu'assez globalement les partisans des véhicules individuels à moteurs thermiques sont plus à droite, mais les politiques des villes en matière de circulation vont dans le même sens par delà la couleur politique des élus, et donc des électeurs. La taille de l'agglomération est peut-être plus importante que la couleur politique. Haute-Goulaine est en lisière d'une grosse agglo et d'une ruralité qui se fait petit à petit manger par l'aire urbaine.

les voies principales en croix

J'ai d'abord pédalé sur les voies principales en croix.

L'aménagement, très probablement récent, de la D74 en arrivant par le nord a bien progressé pour les vélos et l'apaisement de la circulation. Une demi-douzaine de bypass ont été installés entre le début de l'agglomération et le centre, complétés par un plateau surélevé à l'approche de l'église, le tout en zone 30. C'est probablement le mieux que l'on pouvait faire compte tenu de la configuration.

haute-goulaine-bypass-d74-nord.jpg

Pour l'hyper-centre, périmètre de l'église et de la zone commerciale à proximité, un plateau semi-piétonnier « zone de rencontre » (limité à 20, priorité aux piétons, vélos en double sens) adoucirait encore les mœurs sans gêner l'accès aux commerces. En ce dimanche matin, la tranquillité de la circulation faisait que les pratiques de courtoisie du plus fort envers le plus faible dominaient. Autant l'officialiser. S'il reste des sous dans le budget, un peu de pavés de couleur serait bienvenu, pour marquer qu'il s'agit d'un endroit particulier, où le piéton est prioritaire, et pour l'embellir. Ce centre conserve une apparence de petite bourgade rurale d'il y a quinze ou vingt ans, avec surtout du goudron. Cependant, bien des bourgades plus modestes sont plus pimpantes que ce lieu paraissant curieusement suranné et tristounet, pourtant au centre de lotissements où la casquette du prolétaire ou du paysan est très très rare. Peut-être que les habitants des lotissements ont davantage le sentiment d'être à la campagne avec un centre du bourg peu pimpant ?

Depuis l'église, on peut continuer vers le sud par la D105. On bifurque d'abord à l'ouest. Le passage est étroit. Quand la circulation bat son plein, le cycliste subit la pression de l'automobiliste qui suit, et qui éventuellement s'agace de n'avoir pas la place de dépasser. L'accidentologie à cet endroit pourrait infirmer ce sentiment, qui est une impression bien souvent ressentie depuis un guidon dans ce type de configuration. Il en va de même après avoir tourné vers l'ouest pour emprunter la D105. Le passage est étroit, bordé de trottoirs, donc insécurisant pour le cycliste et énervant pour l'automobiliste qui peste contre le gêneur. En principe, la zone 30 permet la cohabitation harmonieuse entre véhicules lents et rapides. En ce dimanche matin peu circulé, il était difficile d'en juger. Quelques dizaines de mètres plus loin, la rue s'élargit et la bande cyclable permet de circuler normalement.

En repartant du rond-point en bas, près de l'église, on peut aller vers l'ouest par la D119. Hélas, elle n'a pas été retraitée depuis dix ou quinze ans, de mémoire. Une petite bande de 50 cm de largeur, avec un pictogramme vélo peint, et d'une couleur différente du reste de la voie, crée une dangereuse illusion. Le cycliste se croit sur un emplacement réservé. L'automobiliste vient frôler le cycliste, sans respecter le mètre de distance prescrit en ville par le code de la route entre l'aile de son lourd et rapide véhicule et la fragile bicyclette. Ce type d'aménagement daté est à proscrire. Les bypass ou les chaucidous sont bien préférables sur ces voies étroites. Si la densité de la circulation ne permet pas ce type d'aménagement, mieux vaudrait dévier la circulation des vélos, en adaptant une parallèle par les rues Honcherais, Courbet, Monnet, Gauguin et Bretagne et en rendant les sentiers qui les relient carrossables pour les vélos (le carrossable pour les vélos, c'est le goudron ou tout autre revêtement, pourvu qu'il soit lisse).

la petite bande bétonnée ne donne pas un sentiment de sécurité quand les voitures viennent frôler le cycliste, ce qu'elles sont tentées de faire puisqu'elles se sentent chez elles sur la partie goudronnée sombre, mais étroite ; l'exemple de ce qu'il ne faut plus faire et qu'il faudrait rectifier, au pire en proposant un parcours alternatif vers l'ouest pour les cycles...haute-goulaine-d119-ouest.jpg

La sortie du centre par la D74 vers l'est se fait par un plateau zone 30, matérialisé par des différences de hauteur de voie, du marquage au sol et des panneaux. C'est préférable au (mauvais) aménagement de la D119, mais c'est plus court. À partir du cimetière à peu près, le cycliste est dans la circulation générale, la rue m'a semblé assez large pour ne pas créer de sentiment d'insécurité. Là encore, les relevés d'accidents montreraient ou non que les automobilistes, après avoir été coincés dans les rues étroites du bourg et les zones 30, se déchainent et deviennent dangereux, ou pas. Si le cas est avéré, des aménagements seraient à prévoir. Des bandes cyclables me paraitraient devoir suffire.

Les hypoténuses 

Après la croix, les hypoténuses. Un coup d'œil rapide sur le plan global, et la visite sur place à vélo permet de le confirmer, donne à penser qu'il ne s'agit pas de déviations mais bien de voies qui permettent d'accéder aux rues secondaires des lotissements. C'est particulièrement net dans les quarts nord-ouest et sud-ouest avec les rues de Bretagne et de la Frémonière.

La rue de Bretagne est d'un traitement récent. Un monticule de terre empêche la continuité vers l'avenue de Bretagne (je crois, j'aurais du prendre des notes, mais j'avais déjà prévu l'appareil photo, la carte, la boussole, l'eau et la barre de céréales pour explorer ce lieu lointain et hostile ; non, c'est de l'humour, c'était tranquille et la boulangerie était ouverte). Comme cela fonctionne très bien à Saint-Joseph-de-Porterie ou à de nombreux endroits sur Vélocéan, une « impasse sauf vélo » aurait pu être prévue. Elle autorise la tranquillité des riverains et la continuité cyclable et ne coûte à peu près rien, sauf à penser les itinéraires pour les vélos dans la continuité, et à veiller à ce que la chaine de commandement entre la conception et la réalisation technique ne subisse pas de rupture. En l'espèce, il aurait suffit de ne pas mettre une pelletée de terre pour laisser un petit passage pour les vélos et les piétons. Pas cher, pratique, et exemple intelligent d'aménagement en faveur des circulations douces.

Cette rue de Bretagne est un bon exemple d'approximation. On y a mis des sous, ceux des contribuables pour être plus précis, et on voit bien les sous qu'on y a mis. Malheureusement, le cycliste y trouve plus ou moins son compte. Certes, il bénéficie de pistes cyclables. Cependant, je ne suis pas fanatique des pistes. Elles tendent à augmenter la vitesse des automobilistes car ils sont seuls sur leur voie propre. Aux carrefours, la piste s'arrête nécessairement. Et les vieux réflexes des aménageurs qui ne pensent pas « vélo » reviennent. Les vélos ne sont pas prioritaires. Une piste particulièrement mal fichue à Saint-Étienne-de-Montluc est une caricature du genre, avec un stop pour les vélos tous les dix mètres. L'effort maximal à vélo urbain a lieu au démarrage. Toute obligation de s'arrêter pour repartir est donc contre productive. La tentation de ne pas prendre la piste existe donc, et avec elle le risque de conflit avec les gros véhicules rapides. De simples bandes cyclables, de largeur suffisante, avec une place peut-être un peu diminuée pour les voitures afin de les inciter à ralentir, des passages piétons bien signalés et des vrais trottoirs seulement pour les piétons, auraient peut-être coûté un peu moins et plus sûrement apaisé les voitures sans contraindre les vélos à s'arrêter pour repartir à chaque carrefour.

rue de Bretagne, la multiplication des stops, toujours un peu agaçante, contre productive pour circuler à vélo, peut paradoxalement inciter les cyclises à ne pas utiliser la piste comme le blogueur le montraithaute-goulaine-des-stops-rue-de-bretagne.jpg

L'itinéraire entre le centre-bourg et le collège

J'ai cherché la voie cyclable depuis le collège Saint-Gabriel. À l'âge du collège, on n'est pas encore passé à l'engin motorisé, du moins les plus jeunes, et on souhaite devenir autonome. Venant des lotissements du bourg, le vélo est a priori l'engin idéal, pour autant que les aménagements permettent la sécurité des enfants. Tant qu'on est à proximité immédiate du collège et des terrains de sport, ça va bien. On est sur des pistes suffisamment roulantes, et avec des lampadaires sûrement bien utiles à la saison sombre. De la peinture blanche de chaque côté de la bande de goudron contribuerait à mieux discerner la berne en période de visibilité réduite. Le dimanche matin, on n'y croise que des trottineurs-neuses à pied fort courtois qui tiennent leur chien en apercevant un vélo, disent bonjour et sourient. Rue de la Frémontière, on dispose encore de flèches vertes qui marquent que le vélo a sa place pendant quelques dizaines de mètres puis plus rien. On continue tout droit, sans autre indication (dans mon cas) que la boussole et la carte d'état-major, pour se retrouver sur la D105. Avec quelques petites pancartes pour savoir où l'on va, l'itinéraire pourrait aussi servir de voie alternative mieux sécurisée que la D119 si cette dernière est intraitable, du moins pour venir de l'ouest (pour y aller depuis le bourg, contraindre le cycliste à faire une montée de plus pourrait n'être que peu apprécié).

ci-dessous, près du collège, un chemin cyclable (puisque non interdit aux cycles non motorisés) pour aller vers le bourg, mais ce n'est pas indiqué (et dans l'autre sens ça l'est moins encore)haute-goulaine-chemin-pour-collegiens.jpgdevant le collège, on est presque comme dans un village breton près de Vannes où la plupart des rues sont organisées avec une voie moteur et une voie mollets, mais ça ne dure pas...haute-goulaine-bande-cyclable-centre.jpgle bitume est d'une qualité suffisante (avec d'assez gros pneus quand même) et les lampadaires éclairent l'hiver pour aller du collège au bourg et réciproquement, mais des bandes de peinture blanches seraient bienvenueshaute-goulaine-chemin-collegiens-2.jpg

Autour du centre commercial

Je me suis aussi promené autour du supermarché. Je n'y ai vu qu'un seul panneau n'autorisant que les piétons dans un passage. Dans les autres passages, y compris des sentiers de promenade destinés à l'évidence aux piétons, si j'ai croisé quelques panneaux interdisant (à juste titre) les vélomoteurs, je n'ai pas rencontré d'interdiction pour les vélos. Si le blogueur les a photographié, ils existent. Il est dommage d'interdire les vélos partout où ils peuvent passer sans être un danger. Pour moi, c'est partout où la voie est au moins large d'un mètre cinquante. Évidemment, si les cyclistes se comportent mal, en roulant trop vite par exemple, ils doivent être sanctionnés. Être cycliste n'est pas une vertu en soi, même si le vélo incite moins à l'agression que d'autres modes de transport puisque le cycliste n'est pas enfermé dans un boite mais au contact direct des autres usagers.

haute-goulaine-interdit-moteur.jpg

près du supermarché, des sentiers interdits aux cyclomoteurs, mais pas aux vélos (ou alors il ne sont plus interdits) 

En guise de conclusion de ces observations rapides

Au final :

  • le bourg de Haute-Goulaine ne mérite pas plus une volée de bois vert d'un point de vue de cycliste que la très grande majorité des agglomérations comparables, la circulation des vélos n'y a pas été oubliée ; il ne me semble donc pas nécessaire de prévoir une croisade en faisant converger des cyclistes pour attribuer un clou rouillé à Monsieur le Maire, 
  • il ne mérite pas non plus de satisfecit, loin s'en faut ; mon petit tour en ce dimanche matin montre que :
    • les continuités cyclables ne sont pas... continues,
    • surtout, les aménagements ont été successifs, il devrait être possible de les millésimer (voies rendues étroites, passages piétons surélevés, zones 30, bypass...), il y manque
      • une vue d'ensemble de ces continuités : partir d'où pour aller où ? Quel schéma structurel ? Il existe peut-être quelque part dans un carton, mais il n'apparait pas sur le terrain,
      • la rectification de ces aménagements datés qui contribuent au sentiment d'insécurité des cyclistes : D119, et D105 près de la croix centrale,
      • une surveillance régulière de l'état des aménagements (des peintures spécifiques sont passablement défraichies par exemple), ce qui peut se résoudre en attribuant un vélo de fonction à un employé municipal et en lui faisant parcourir les aménagements avec une fiche-type à compléter pendant quelques jours deux fois par an par exemple, le département de la Vendée a créé (a eu les moyens de créer) un emploi-type correspondant,
      • une remontée des remarques, doléances et propositions des usagers, avec leur prise en compte par les services techniques ; là aussi, il existe des modèles pour l'organiser, des associations de cyclistes qui peuvent être... associées, (et peut-être une opposition municipale pour aiguillonner les élus) ; le constat de l'absence des panneaux multiples et malvenus interdisants les cycles dans de nombreux endroits montre peut-être que les photos de Vélorution ont eu leur effet ; se manifester a son utilité...
      • des contresens cyclables pourraient être aménagés à plusieurs endroits, là non plus ce n'est pas coûteux et c'est favorable aux continuités,
      • des parcours plus touristiques pourraient être aménagés à peu de frais, avec juste des petites pancartes spécifiques, par exemple depuis la Bonnaudière, puis par la Basse Rivière, la Gâche et le sentier pour rejoindre le château de Goulaine ; ces petits parcours de promenade incitent les locaux à se promener à vélo autour de chez eux et cette bonne habitude contribue à leur donner un point de vue de cycliste favorable à la sécurité et l'agrément de tous.

 

Cette vue globale sur les progrès des vélos suppose bien évidemment une volonté politique. À l'issue de ce petit tour du bourg de Haute-Goulaine, qui n'est qu'une immersion rapide, cette volonté ne m'apparait pas hostile aux vélos, mais seulement intermittente, ou passive en fonction des modes suivies par les techniciens dont on pourrait dater les strates aménagement par aménagement. Elle serait pourtant indispensable pour disposer d'un schéma directeur appuyé sur quelques principes déjà plus ou moins énoncés, tels que « moins un cycliste met le pied à terre et plus il aura envie de faire de vélo », « si j'hésite à laisser seul dans l'aménagement cyclable mon fils, ou ma petite-fille, de douze ans, c'est que l'aménagement est mal conçu », etc., et de la volonté de faire progresser le vélo, doux remède à une partie non négligeable des embarras et nuisances de la circulation, à Haute-Goulaine et ailleurs.