la voie verte, le désert et la Loire à vélo

Il y avait longtemps que j'avais fait une sortie à la journée. Le département a enfin enfin fait refaire la voie verte qui relie Carquefou à Saint-Mars-la-Jaille, réfection attendue depuis belle heurette. Et donc, je me suis lancé par là NE54 Carquefou Saint-Mars-du-Désert Mauves-sur-Loire

Je craignais une circulation automobile intense pour rejoindre Carquefou. Et puis non. Ils ne sont pas encore tous déconfinés en ce mois de mai 2020. Des aménagements ont été faits ici et là pour les cyclistes, bien que la continuité du cheminement depuis le centre-ville de Nantes vers Carquefou via Saint-Joseph-de-Porterie ne soit pas encore sécurisante.

Une fois dans Carquefou, en arrivant par la piste cyclable depuis le sud-ouest, on voit un panneau "voie verte". Byzance. J'ai donc suivi le fort compliqué itinéraire via les allées et les presque impasses dans les lotissements. Fort compliqué, mais sans réel souci, à condition de ne pas être pressé, et d'être très attentif. J'ai failli me taper une barre transversale en bois dans un endroit ombragé, quasi invisible et à hauteur de poitrine, c'était de mémoire juste avant d'arriver rue Henri Becquerel. Un bon vieux réflecteur, ou un simple coup de peinture blanche, serait bienvenu pour ne pas assommer les citoyens. J'ai appris qu'une amie s'était cognée au même endroit, qui est donc effectivement mal conçu.

La commune de Carquefou et la métropole de Nantes ont été saisies. Second passage trois jours plus tard : la barre horizontale a été démontée ! Il reste le trou du poteau au sol, encore redoutable, mais c'est moins pire. Quelques semaines plus tard, la barre horizontale traitresse n'est pas revenue, et le trou du poteau est signalé par des cônes de chantier ou cônes de Lübeck (Lübecker Hütchen, « petit chapeau de Lübeck » en allemand selon Wikipedia). Indéniable progrès. Merci aux petits chapeaux et aux autorités. Ces autorités ont mis en place des moyens pour être informées des difficultés. Je me demande un peu si le public se sert de ces outils, car le problème n'est certainement pas nouveau. Je n'ai jamais vu non plus de rendu compte de suivi des remarques faites sur la circulation des vélos.

Crédit photo Jylera

Et puis ce sera non. Je suis de nouveau repassé par là. Malgré les courriers, le choix a été fait de revenir à la situation antérieure. Poteaux beiges sans réflecteurs dans un lieu mal éclairé, voie trop étroite pour être fonctionnelle. Routiniers ? Têtus ? Je m'en foutistes ? Méprisants ? Ignorants ? On se perd en conjectures... J'espère être informé d'un futur accident, pour faire condamner l'aménageur aux dépends en démontrant que les informations avaient été données et reçues pour éviter cette idiotie. Une de plus. Les adresses pour informer les aménageurs de ce type de bêtises sont de la poudre aux yeux pour électeurs naïfs.

La voie verte a été refaite, mais les panneaux ont été oubliés pour signaler l'entrée, ou plutôt ils ont été enlevés sans être remplacés. J'ai donc "jardiné" pour trouver l'entrée au fond d'un parking moche au revêtement inégal en terre près d'un container débordant d'ordures. On a vu plus engageant.

Crédit photo et commentaire Jylera : le balisage très fantaisiste à l'entrée de la voie verte qui envoie la majeure partie des cyclistes en face à droite au lieu de la voie à gauche.

Le revêtement recomposé permet de franchir sans encombre les fortes pentes dans le Bois Saint Lys même avec un vélo lourd. Ensuite, c'est le bonheur. Le souvenir de l'horrible tape-cul s'estompe vite au profit de la félicité à rouler sur une surface douce et de bon rendement. J'espère que ce stabilisé ne se dégradera pas comme le précédent et qu'il résistera à l'humidité hivernale bien prononcée entre les haies d'arbres.

La voie verte utilise un ancien tronçon de la voie ferrée Nantes-Segré ouverte en 1884. Cette voie fut fermée au service voyageurs en 1939, exploitée pour le fret jusqu’en 1988 et déclassée en 1993. Le département de la Loire-Atlantique l'a aménagée en voie verte à revêtement (mal) stabilisé en 2008. La réfection a été faite en 2019 par l'entreprise Colas. Le franchissement de la route de Châteaubriant reste digne de l'apprentissage de l'attache des lacets vu sur plan, mais ça passe gentiment. Au moins par temps sec. Plus gênant, le cheminement étant complexe, l'absence totale d'indications rend là aussi l'erreur facile. C'est quand même curieux cette manie de faire des routes dénuées d'indications ou avec des indications trop ténues, depuis DOUZE ANS.

Crédit photo et commentaire Jylera : les totems sur le pont au dessus de la route de Châteaubriant sont peu visibles par rapport aux panneaux précédents pour la voie verte.

Il est toujours intéressant de regarder les montants et proportions consacrés à telle ou telle ligne budgétaire pour avoir une idée concrète de l'importance accordée à cette ligne par delà les beaux discours. Il convient aussi de relativiser, car le montant brut n'est pas le seul indice de l'utilité concrète et de l'importance du projet. Mais quand même... Que représentent les voies cyclables dans le budget du département ? 2.3 millions d'euros ont été votés pour le budget 2020 sur un total de 84 millions d'euros consacrés aux mobilités, soit 6% de ces mobilités. Le budget total voté se monte à 1,43 milliards d'euros. La part des infrastructures cyclables est donc de 0.15%. On reste dans le très modéré, limite confidentiel... Le département a aussi d'autres missions. L'Etat sans doute ne lui fournit pas assez de subsides. Le mille-feuilles français ne facilite pas les choses. Mais quand même.

Juste pour l'anecdote, voilà une photo du Cycle Snake, un pont exclusivement cyclable permettant de relier à vélo de manière sûre et confortable deux parties de la ville de Copenhague. Cette ville estime que l'investissement de quelques millions d'euros est rentabilisé au vu de la fréquentation. Le vélo en France avance, mais doucement, avec des centimes, parfois des poteaux au milieu des voies et des indications introuvables... Pompidou doit ricaner de voir sa postérité si florissante.

Notre ancienne voie ferrée transformée en voie verte recouverte de terre battue présente plusieurs avantages. Elle va relativement loin, jusqu'à Saint-Mars-la-Jaille, aux confins du Maine-et-Loire, soit plus de 36 km de voie protégée. Comme toute voie verte, elle est multi usages, jogging, marche, poussette, cheval, vélo. Elle peut servir pour les déplacements pendulaires, la balade de proximité, la randonnée et le voyage. Et, pourquoi pas, aller à la messe, ou à la bibliothèque. Je me souviens être parti par là pour me rendre au Lion d'Angers puis remonter la Mayenne. En bout de ligne, il manque toujours la jonction vers la Vélo Francette (parcours cyclable de Ouistreham à La Rochelle). Juste pour la journée, en partant vers le nord-est quand le vent y est orienté, on peut rouler à l'abri ou presque. De même, en cas de canicule, l'ombrage protège. Par contre, par temps de pluie, c'est un peu tristounet.

Une voie verte très tranquille, sans bruits, protégée du vent et du soleil.Les entrées et sorties ont été retraitées, bien élargies en concertation notamment avec l'association d'usagers Place au Vélo. Le passage est devenu facile. On reconnait la silhouette d'une ancienne maison de garde-barrière sur ce qui fut une voie ferrée.

De temps en temps on trouve ces très discrètes indications. Certes, ce gros madrier dressé comme un menhir rappelle l'histoire ferroviaire de la voie, mais ne vaut pas une pancarte facile à lire sans s'arrêter. Les petites gravures ont le mérite d'offrir des informations précises.

Saint-Mars-du-Désert est une commune dont le bourg a connu récemment des aménagements réussis, plus clair, plus aéré, plus coloré, plus moderne. Pourquoi "désert" ? Il existe plusieurs hypothèses. L'une est que le pays a été ravagé par les Huns au milieu du Vème siècle et est resté en friche pendant des années ensuite. D'autres, comme Infobretagne.com, pensent qu'il s'agit d'un rappel de l'inondation par les eaux de l'Erdre, comme le note également le site de la commune : "Saint- Félix, évêque de Nantes, fait élever [au VIème siècle] une digue à la Chaussée Barbin pour rendre l'Erdre plus navigable. Les eaux refluent vers ce qui reste de la forêt de Mars dont les arbres commencent à pourrir. Un ouragan achèvera plus tard de les coucher." Et naquit ainsi la plaine de Mazerolles, zone de marécages.

Pour rejoindre Saint-Mars-du-Désert, on peut sortir au lieu-dit "la gare". Toujours observer les toponymes, ils disent souvent ce qui fut.

La commune connaît une augmentation plutôt rapide de sa population qui est plus jeune que la moyenne du département. Il est probable que cette population travaille dans l'agglomération nantaise et est venue habiter ici à moindre coût en faisant le trajet, avec les problèmes écologiques dus aux déplacements où l'automobile est obligatoire, et le vieillissement à terme de cette population si elle n'est pas renouvelée.

Le jardin près de la nouvelle mairie a été agréablement refait et accueille les pique-niqueurs. La Vierge veille sur les visiteurs. Le lieu est vivant. Les habitants viennent à proximité visiter leurs défunts au cimetière. Les enfants et leurs parents rentrent de l'école. La mairie accueille les usagers. Toutes ces personnes saluent gentiment en passant. L'ancien habitant de bourgades rurales que je suis y a un sentiment de familiarité.

Le repas terminé, j'ai biaisé par les petites routes peu fréquentées pour rejoindre la Loire à vélo à Mauves-sur-Loire.En ce jour de semaine du stade 1 du déconfinement post Covid-19, la Loire à vélo est loin d'avoir retrouvée sa fréquentation habituelle.

Il en était de même en rentrant à Nantes pour ce qui est de la tranquillité. Je salue l'élégant pont Eric Tabarly et le stade Marcel Saupin qui connut les heures de gloire du club local de football professionnel.