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NANTES était indigente pour les voyageurs à vélo
Les indications pour traverser Nantes sur la Loire à vélo (Euro Vélo 6) ou la Vélodyssée (Euro Vélo 1) se sont bien améliorées depuis la rédaction de cet article, même s'il reste quelques points de progression ici et là. Des orléansaises rencontrées à un rassemblement de cyclistes m'ont dit n'avoir eu aucun problème pour la traversée de l'agglomération pour aller vers la mer malgré leur appréhension a priori face à la grande ville. La situation est heureusement à présent bien moins caricaturale. L'article demeure donc pour l'histoire et comme exemple d'erreurs à éviter, que l'on peut trouver ailleurs.
Le vélo est un instrument formidable pour accomplir de petites distances, aller au travail, à l'école, au commerce de proximité. Il utilise peu d'espace, ne pollue pas, ne fait pas de bruit, améliore la santé de ses utilisateurs réguliers et contribue à désengorger et humaniser la ville.
Il est aussi un fantastique outil pour faire des distances bien plus grandes. Nantes et son agglomération ont la chance d'être traversées par deux Eurovéloroutes, la une et la six, Vélodyssée et Loire à Vélo, plus de 800 000 cyclistes empruntent cette dernière chaque année : http://www.loireavelo.fr/loire-velo-definition/concept-chiffres
Les axes cyclables nord-sud et est-ouest dans l'agglomération nantaise ont une double vocation. Ils sont utilisés pour des déplacements proches, des trajets pendulaires, et le sont de plus en plus. Ils sont aussi les tronçons des EV 1 et 6 dans l'agglomération nantaise.
Pour avoir essuyé des remarques de la part de congénères voyageuses et voyageurs à bicyclette de nationalités diverses sur la pauvreté et le retard de l'agglomération nantaise en matière de signalisation routière pour les touristes à vélo empruntant ces grandes voies européennes, nous avons décidé d'y aller voir nous-mêmes, en tentant de suivre un petit matin d'hiver un tronçon d'EV1 depuis le centre-ville de Nantes jusqu'à Sucé-sur-Erdre. Voici le récit de notre aventure, car c'en fut une.
Pour agrandir les photos, il suffit de cliquer dessus.
Km 0, au croisement des lignes de tramway 1 et 2, du Cours Francklin Roosevelt et de celui des Cinquante Otages, les railleurs peuvent railler moderato et les râleurs râler piano. La pancarte indiquant le Nord est bien présente et le cheminement à emprunter est clair pour l'EV1, vers... on ne sait où vu d'ici, mais vers le Nord, c'est déjà ça.
Tout touriste à vélo avisé sait que la partie française de cette Eurovéloroute 1 http://www.eurovelo.com/en/eurovelos/eurovelo-1 va de la frontière espagnole au sud d'Hendaye à Roscoff au nord-ouest de la France, soit 1250 km. Elle se prolonge (ou se prolongera) au nord vers le Pays de Galles, l’Irlande, l’Écosse, et jusqu'au nord de la Norvège, et au sud jusqu'au sud-ouest de l'Espagne.
Km 0,9, le Pont Morand, la signalisation véloroutière est encore là. Deux fois. Les touristes à vélo auraient-ils tort ? Des années à avoir un peu honte, après avoir cheminé sans coup férir au travers de Tours, Saumur ou Angers, en rentrant chez nous, de se croire dans le désert des panneaux pour vélos. Ce temps-là est derrière nous. Nous voilà dans une agglomération enfin convertie à l'intérêt du tourisme responsable, et de plus économiquement intéressant.
Km 1,3. Las ! Nous déchantâmes au Pont Saint-Mihiel. Point de rappel. Il s'agissait peut-être d'une anicroche. Un oubli véniel. « Tant que rien n'est dit, on continue tout droit » fait plus ou moins partie des règles implicites du balisage pour les cycles. La piste cyclable continuant dans le même axe au bord du quai de Versailles, nous prolongeâmes dans l'axe.
Km 2. À l'approche du Pont du Général de la Motte Rouge, on peut douter. Doublement. Douter que l'embryon de balisage perdure au-delà du croisement des voies de tramway, confirmant ainsi l'absence depuis Saint-Mihiel. Douter à cet embranchement de la voie à suivre, l'une et l'autre étant apparemment cyclables. Où est l'EV 1 ? Y sommes-nous encore ? Le Nord aurait-il disparu ? Les voies les plus larges menant souvent quelque part, et celle sous le pont paraissant la moins étroite, nous la choisîmes.
Km 2,9. Au bout de la promenade Van Iseghem, le Pont de la Tortière traverse l'Erdre. Le cycliste voyageur sort sa carte, constate que cette rivière vient de Nord qu'on nous avait promis tout-à-l'heure, et se risque à prendre la voie en contrebas du pont, faute d'autres indications.
Km 3. Sitôt passé sous ce pont, un nouvel embranchement s'offrit. Nous résolûmes de raisonner comme l'aurait fait un voyageur à vélo. Faut-il continuer le long de cette rivière aux origines nordiques, ou bien prendre la voie la plus large ? Le petit panneau manuel et fragile dit seulement, à ceux qui comprennent le français, que le sentier est rendu glissant par l'humidité. L'attention manuscrite est touchante mais artisanale. Le voyageur chargé de volumineuses sacoches n'apprécie guère les sentiers étroits, les entrées compliquées qui l'obligent à descendre de vélo et les terrains fangeux. La moins mauvaise hypothèse a semblé être de prendre à gauche.
Km 3,8. Au rond-point de la Morrhonnière, selon le même principe scherlockien, ou hypothético-déductif, nous prîmes à droite la voie cyclable indiquée au sol. Un panneau nous avait bien dit que nous étions sur la liaison cyclable du centre à l'Université. À Nantes, l'Université est un peu partout, mais plus encore le long de l'Erdre, que la carte nous décrivait arrivant du septentrion. Ce cheminement ne pouvait donc être tout à fait mauvais. Voilà maintenant près de quatre kilomètres qu'en pleine agglomération aucun panneau n'indique quoi que ce soit à propos de l'EV1 Vélodyssée ou de la prochaine ville qu'un cycliste peut espérer atteindre en suivant cette véloroute, en admettant que nous ne l'ayons pas perdue.
Cent mètres plus loin, une nouvelle interrogation nous attendait. La liaison vers le campus universitaire obliquait à droite, vers l'est. Une bande cyclable longeait la voie routière, mais vers le nord. La boussole étant notre seule guide, nous suivîmes son indication.
Km 4,1. Au rond-point du Petit-Port, le totem pour les automobiles était porteur d'une indication de direction vers La Chapelle-sur-Erdre, droit devant nous. Disposant d'une carte routière d'assez grande échelle comme il sied à un cycliste vagabond qui ne s'encombre pas d'une lourde liasse, nous nous y engageâmes.
Km 4,5. Au carrefour du boulevard Guy Mollet et de la route de la Jonelière, la côte en face paraissait bien pentue pour un touriste à vélo chargé et économe de ses forces. Nous obliquâmes à droite, en voyant bien que cette voie tournait presqu'aussitôt à gauche, vers ce fameux Nord qui était notre Graal du moment.
Km 5,4. Après avoir traversé plusieurs carrefours tout droit, nous parvînmes à ce T, l'une des branches horizontales étant la rue de la Bourgeonnière, l'autre la route de la Jonelière. En consultant un site spécialisé, nous apprîmes ensuite que l'EV1 part à droite en ce lieu cornélien. Comment aurions-nous pu le savoir à cet instant ? Certes, un bon nombre de voyageurs à vélo est équipé de GPS. La majorité d'entre eux n'en a pas. Ils utilisent des cartes ou des guides, plus ou moins précis. Quand la totalité de la population sera équipée de boites à puces itinérantes, tous les panneaux, de rue, de ville, de lieu, d'équipements, pourront définitivement disparaître, tout étant dans le Grand Tout Virtuel. En attendant, faute de la plus petite indication, nous en fûmes réduits aux conjectures, aux auspices et au doigt mouillé. Nous tournâmes à gauche, vers l'ouest.
Km 5,7. Au rond-point Recteur Schmitt, la signalisation routière pour les automobiles nous renseigne sur la direction à suivre, celle du boulevard Martin Luther King et de La Chapelle-sur-Erdre.
Km 6,6. Dans ce rond-point de grand diamètre, Porte de La Chapelle, les véhicules motorisés circulent beaucoup beaucoup plus rapidement que les vélos. Les entrées et sorties sont nombreuses. Le rebord bétonné fait au moins trente centimètres de haut. Le sentiment d'insécurité du véhicule lent et fragile est maximal sur ce type d'anneau, exemple des entrées et sorties de Nantes souvent complètement inadaptées aux circulations douces. Nous sommes là dans la civilisation de la mécanique triomphante et du camion dominant.
Au même endroit que ci-dessus, mais pour en sortir, le cycliste s'efforce de rejoindre la belle piste cyclable parallèle à la rue du Capitaine Dreyfus se dirigeant vers le Nord. Heureusement, le chauffeur de la camionnette de livraison a eu l'amabilité de céder le passage d'un petit geste amène. Nous l'avons remercié de même comme la coutume de politesse urbaine semble s'en développer dans notre ville. Le cycliste ne peut compter là, et à beaucoup d'autres endroits de coupure des aménagements cyclables, que sur la bonne volonté des automobilistes, et doit donc patienter. Le panneau pour les voitures, non photographié, indique la direction de La Chapelle-sur-Erdre.
Km 7. Rond-point entre les rues Becquerel, Arago et Ampère. Voilà sept kilomètres de ville que nos vélos avancent sans aucune confirmation que nous sommes sur l'EV1, ou pas, sans aucun panneau spécifique, sans le moindre signe de piste.
Km 8. Huit mille mètres après le départ, au carrefour de la route de la Jonelière (d'où arrive l'EV1, ce que nous apprendrons plus tard) et de la départementale 39 : miracle, Byzance, Noël, hourra, alléluia, fenomenal : un panneau pour les vélos ! Nous allons bien vers La Chapelle-sur-Erdre et nous venons bien de Nantes. Quelle est la distance jusqu'à la prochaine ville ? N'en demandons pas trop... Nous savons déjà vers où nous allons. Quel dommage quand même de faire des aménagements cyclables agréables et sécurisants, qui ont certainement représenté un certain montant d'investissement, et de ne plus avoir le petit budget nécessaire pour y mettre quelques panneaux. Cela nous fait penser à ces églises sans clocher, il en existe plusieurs exemples en Loire-Atlantique, aux nefs fort élevées, mais dont la construction s'est interrompue, faute peut-être de disposer du financement nécessaire à l'érection du signe visible de loin et qui permet de faire entendre le son des cloches aux alentours.
Km 8,7. Juste avant l'échangeur de la Bérangerais et ses ronds-points surplombant l'autoroute l'Océane (les routes à voiture également ont parfois des noms publicitaires), une petite affiche manuscrite nous interpella. Nos amis chapelains de Place aux Vélos (avec un « s » ; il est vrai qu'ils sont de plus en plus nombreux ces vélos) avaient éprouvé le besoin de guider le cycliste dans le doute. Qu'ils en soient remerciés.
Peut-être que la signalisation routière sera dorénavant autogérée. Des panneaux-parties pourraient être organisées sur les routes et les autoroutes, chacun apportant au choix une plaque, des rivets, de la peinture, un mat, ou un peu de béton pour le fixer au sol. Ce serait plus sympathique et convivial que la destruction de portiques. On s'est dit aussi qu'une équipe d'ouvriers avec une volée de flèches droite, une de flèches gauche et une de tout droit auraient pu flécher correctement, même à titre provisoire, cet itinéraire en une petite demi-journée. Les panneaux jaunes indiquant (épisodiquement) l'itinéraire provisoire de la Loire à Vélo témoignent que c'est possible.
Depuis combien d'années ça dure ces véloroutes qui ne disent pas où elles vont ? Imagine-t-on le concert de protestations que susciteraient de telles absences sur une route pour les voitures ? Que doit-on comprendre de l'intérêt porté aux cyclistes ? Certes, grâce au petit panneau, nous sûmes être plutôt dans la bonne direction, notre objectif final étant Sucé-sur-Erdre. Deux informations à deux carrefours de suite, mazette, le panneau pour vélos se densifiait à mesure que nous nous éloignions du cœur de l'agglomération.
La lecture postérieure de l'itinéraire précis de l'EV1 nous apprit que l'Eurovéloroute part à gauche à cet endroit, comme le suggérait le panneau artisanal. On se demande pourquoi ce détour est maintenu après qu'une piste correcte a été aménagée pour aller tout droit. Il est possible que le site décrivant dans le détail ce parcours, qui repose sur le bénévolat (comme les panneaux?) n'ait pas encore intégré ce nouvel aménagement.
Quelques mètres plus loin, nous constatâmes avec satisfaction que le franchissement pour les vélos de ce double rond-point avait été largement sécurisé. Un bien bel aménagement comme on aimerait en voir plus souvent aux entrées et sorties de la ville, même si l'aménité des automobilistes est nécessaire à la sécurité. Tous ne sont pas des bourrins, mais il en reste. Pour circuler à bicyclette depuis des dizaines d'années, nous apprécions ces améliorations un peu lentes mais constantes. Toutefois, ici, comme un peu partout ailleurs, le cycliste n'est jamais prioritaire sur rien ni personne, confirmant ainsi son statut d'usager de deuxième zone. Ici et là, il lui est fait un peu de place, mais il doit la céder aux motorisés en boite dès que le cheminement de ces derniers croise le sien. Nous eûmes ouï dire récemment, par une monitrice d'auto-école que le marquage au sol coloré indiquerait la priorité des vélos. Il serait logique et conforme aux règles générales que la piste cyclable bénéficie de la même priorité que la voie dont elle est la parallèle. Mais ce n'est pas sûr. Peut-être bien que rien n'est sûr pour ce type d'aménagement. Faudra-t-il attendre un accident grave jugé par un tribunal pour connaître les règles de priorité ? Place aux vélos, c'est pas gagné. Et plus de panneaux.
Km 10. Dans le carrefour des départementales 39 et 39A, rue de l'Europe, de nouveau un panneau pour les vélos. Il se confirmait qu'une fois sortie du cœur de ville, le cycliste pouvait sereinement suivre un itinéraire, bénéficiant ainsi du même type d'informations que tout autre usager de la voie publique.
Au sortir de ce même rond-point, nous entrevîmes un charmant petit panneau de confirmation. Tout organisateur de randonnée cycliste sait par expérience que le cycliste a besoin d'un petit panneau indiquant la direction à prendre avant le carrefour, un autre dans le carrefour et un troisième de confirmation après le carrefour. Voilà plus de cent ans que ce cahier des charges très minimaliste est rempli par les organisateurs des milliers de randonnées de la FFCT qui ont lieu chaque année, pour n'évoquer que celles-là, les parcours des fêtes du vélo organisées par les associations de la Fub obéissant aux mêmes principes. De toute évidence, les aménageurs des voies cyclables s'obstinent dans l'ignorance. La culture vélocypédique, plus encore celle des cyclistes vagabonds, n'a pas encore pénétré la corporation des aménageurs qui demeure dominée par l'automobile et des idées préconçues qui ne constituent pas un savoir-faire.
Les aménageurs s'imaginent peut-être que les cyclos voyageurs disposent d'une sorte de boussole interne, comme les oiseaux migrateurs, cette prédisposition génétique expliquant leur activité particulière. Ou alors, ils pensent que le progrès a fait rage parmi eux et qu'ils ont tous des GPS, rendant inutiles les panneaux pour les vélos. Ou bien, ils sont convaincus que dire où vont les routes qu'ils construisent n'est pas de leur compétence. Ces absences criantes doivent sûrement signifier quelque chose.
Km 10,6. Dans ce petit rond-point où convergent les rues Théophile Gautier, de la Mongendrière et de la Haie, les cyclistes sont des usagers comme les autres. Ils doivent céder le passage aux véhicules déjà dans l'anneau. Ils ne sont ni prioritaires ni défavorisés par rapport aux autres. Avec de bons yeux, nous trouvâmes l'indication pour suivre le cheminement indiqué. Le panneau est au centre de l'image. Je rappelle que pour agrandir les photos, il suffit de cliquer dessus.
Km 11,5. Nous arrivâmes à hauteur du clocher de La Chapelle-sur-Erdre. Les clochers, les tours hertziennes, les minarets, les lignes à haute tension sont autant de points de repères utiles au cyclo voyageur tant que les panneaux sont absents.
Nous comprîmes enfin, en nous arrêtant pour faire un gros-plan, que la petite affichette carrée et colorée sur les panneaux signifiait que nous étions sur l'EV1. Les logos et autres babioles de communicants, c'est bien joli, mais, à notre avis, ça ne vaut pas un numéro de route, une indication de l'agglomération suivante avec le nombre de kilomètres pour l'atteindre. Le cycliste est un usager comme les autres, avec les mêmes besoins.
La Communauté européenne, qui finance en partie non négligeable ces aménagements, ferait sans doute mieux, au lieu de compter le nombre d'étoiles sur les logos, de s'inquiéter de la fonctionnalité des indications. De manière générale, les « sponsors » utilisant l'argent de nos contributions feraient mieux de se centrer sur les éléments directement utiles aux usagers plutôt que d'apposer leur marque. Existe-t-il un cahier des charges en matière de panneaux sur les véloroutes ? Qui est chargé de la vérification ? Il existe pourtant des professionnels de la profession en matière d'aménagements cyclables, et des associations toutes disposées à dialoguer avec les aménageurs avant et après l'aménagement. Ces échanges seraient utiles pour éviter des erreurs et des manques flagrants à l'usage. Le dialogue est souvent utile au progrès de la civilisation.
Km 12,2. Au rond-point à la sortie du bourg de La Chapelle-sur-Erdre, à l'aboutissement de la rue de la Simonière et de la rue de Sucé, nous envisageâmes de ranger l'appareil-photo dans la sacoche, les indications devenant claires, et les panneaux posés de manière pertinente dans les carrefours. Nous nous ravisâmes en songeant, tel le personnage de Beaumarchais, que pour tresser des couronnes d'épine, il faut en faire en lauriers.
Km 12,5. S'engager rue des Maquisards ne fit aucun doute.
Km 13,3. Au rond-point du Port aux Cerises, nous n’eûmes rien à ajouter. Le panneau est précis, comprenant le nom de l'agglomération visée et la distance pour y arriver. Le logo de l'EV1 Vélodyssée rassérène.
Km 17, dans le bourg de Sucé-sur-Erdre. Les panneaux ont disparu. La ville n'aimerait-elle pas le panneau pour vélos, comme à Nantes ? Ou bien avions-nous de nouveau perdu le parcours ? Il s'avéra en effet par la suite que nous eussions du obliquer à gauche vers Mouline pour rester sur l'EV1, mais sans panneau spécifique, nous avons continué tout droit comme c'était indiqué pour les voitures, par un aménagement d'ailleurs bien fait qui serpente entre les maisons dans les faubourgs de Sucé. Le port de l'Erdre est un site agréable et touristique. Peut-être que les édiles et les techniciens croient que si le voyageur à vélo est perdu, il peut s'adresser à l'office du tourisme ? Même en dehors des heures et saisons d'ouverture ? Serions-nous contraints, comme à bien d'autres reprises en ville, à tourner en rond et autour à la recherche de la route pour vélos que rien n'indiquait ?
Nous résolûmes d'agir comme en voyage : rejoindre l'église, acheter de quoi se sustenter, et demander au commerçant la direction à prendre. Bien nous en prit. Cela ne fût pas sans nous rappeler les récits des premiers touristes – les cyclistes ont inventé le tourisme, quémandant des indications faute de panneaux à la fin du XIXème siècle dans les auberges et auprès des travailleurs des champs. Cent trente ans plus tard, nous constatâmes que le progrès demeurait progressif, et même très progressif pour les cyclistes. Nantis des informations nécessaires reçues en prime du sourire de la boulangère, nous identifiâmes la suite du cheminement vers le Canal de Nantes à Brest.
Nous avions atteint notre objectif. En principe, le touriste à vélo voyage pour l'agrément, profiter des paysages et des lieux d'intérêt, converser avec les personnes de rencontre, locales et les autres voyageurs, sans avoir à se soucier en permanence de la route à suivre. Ces dix-sept petits kilomètres pour sortir de l'agglomération nantaise par le nord auront nécessité une boussole, une carte, de la jugeote et suscité beaucoup trop d'interrogations et quelques erreurs de parcours. Le cours du panneau doit être très élevé dans la contrée, car il est rare, décidément trop rare. Il n'est pourtant pas si compliqué ni si long ni si coûteux d'indiquer correctement les directions.
Les élus et techniciens responsables des aménagements vélo devraient méditer la définition suivante et l'appliquer, "Une véloroute est un itinéraire cyclable à moyenne ou longue distance, linéaire, continu, jalonné, sécurisé et incitatif." Cette phrase est issue de la fiche n°28 du Certu, devenu Cerema, organe de l'Etat en charge d'études et d'expertises sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement. La fiche complète, bien faite (mais pourquoi les aménageurs ne connaissent pas et/ou n'appliquent pas la documentation de qualité qui leur est destinée, sont-ils fainéants ? ignorants ? jean foutre ?) peut se lire ici : Signalisation directionnelle pour cyclistes (3.33 Mo)
A titre d'exemple, voici ci-dessous ce qui se fait en Vendée, département proche. Nous aurions pu en proposer d'autres, car, heureusement, le balisage et les informations pour les cyclistes ne sont pas indigents partout. On voit dans cet exemple que l'aménageur conçoit que le vélo peut être utilisé pour parcourir de grandes distances, et propose en conséquence :
- une carte complète des véloroutes et voies vertes du département, ainsi qu'une carte complète de l'Eurovéloroute 1 en France, ce qui est une belle incitation aux voyages à vélo,
- un zoom local à l'échelle d'une carte d'état-major pour se situer avec précision, mais aussi renseigner le voyageur sur les agglomérations proches où il est susceptible de trouver hébergement et restauration,
- des panneaux simples et cohérents indiquant les villes suivantes et la distance.