Audubon dimanche

Au départ, en ce dimanche d'avril, nous étions neuf qui avions réussi à rejoindre la place Royale malgré les boucles du marathon dans le centre-ville le transformant en nasse pour ses habitants. Nous avons aussi pu partir vers l'ouest comme prévu, sans obstacles, la boucle coupant notre itinéraire n'étant pas encore encombrée de sportifs en short communiant dans cette vaste opération de communication. L'an passé déjà, ils étaient déjà nombreux les shortistes trottinants. Là, ils allaient plein nord.

Crédit photo Zac http://zac.over-blog.fr/

Toujours sans soucis, nous avons happé Elena au passage au nord du pont Anne de Bretagne. Nous voilà dix. Dans le long faux plat montant vers Bellevue depuis la mosquée des Turcs, Jacques et Françoise ont préféré faire demi-tour pour ménager leurs futures promenades. Nous étions huit.

Nous sommes passés par là NO60_60km_St-Etienne_Musse_Port Launay_Chantenay Suivre ce lien pour voir le parcours en détails, en cliquant sur "mode plein écran" à droite de la carte, puis zoomer avec la molette de la souris. Pour le juste en gros, voici l'image du trajet.La température ressentie devait être inférieure au nombre de cyclistes du groupe. La météo nous l'avait dit. Elle avait bigrement raison la bougresse. Faisait vraiment pas chaud avec le vent défavorable bien en dessous de ce que relevait le thermomètre. Nous avons fini par sortir des immeubles, des maisons, des voitures en nombre, bien que protégés sur des pistes cyclables, pour arriver à l'étang de Beaulieu en Couëron, qui n'usurpe pas son nom. Café tiré des bouteilles isothermes et observatoire à oiseaux étaient au programme. Quelques uns se sont précipités dans l'observatoire.

Pendant que d'autres observaient les observateurs et répondaient aux sourires et bonjours des trottineurs couëronnais moins compétiteurs que les marathoniens et semis entraperçus à Nantes.

On m'a dit qu'il y avait ici un nid de foulque. Je le crois. Avec une flèche sur la photo, je le vois.

Crédit photo Zac http://zac.over-blog.fr/Après échange avec un camarade qui voit moins bien que moi les clochers à cinq kilomètres mais bien mieux les nids à cinq mètres, le nid de foulque serait la sorte de taupinière. Voici son zoom avec l'oiseau visible (pour lui).

Crédit photo Zac http://zac.over-blog.fr/

Nous avons progressé toujours vent debout jusqu'au pied de l'église de Saint-Etienne-de-Montluc, que son architecte au 19ème siècle a voulu imitant le style romain antique, ce qui la rend originale dans l'océan des néo-gothismes de la même époque.En prévision d'un repas méridien fort utile, mais venté, plus d'un a vidé les sacoches et du pique-nique et des vêtements de pluie, pour ingurgiter l'un et enfiler les autres. Une petite pissée de grenouilles menaçait, mais le vent surtout continuait son entreprise de démolition de la régulation thermique des humains pourtant bien décidés à manger dehors. 

La météo quelque peu grisâtre et tristounette, pas comme l'ambiance, y était peut-être pour quelque chose. Les marais de Jean-Jacques (Audubon) étaient fort calmes. A peine un cycliste de temps à autre. Tiens, voilà l'avant-garde. Qui donc est-ce ? « Was ist das? »

Elena, colorée et pétillante, casaque rose, gilet jaune et toque noire.

Le peloton semble a pris quelque retard. Le voici surgissant des haies verticales qui encadrent la petite route rapiécée, emmené par...... Juliette, œil malicieux et gants oranges, enrubannée de fourrure et juchée sur son magnifique destrier manufacture à vélos (Fahrradmanufaktur).Serge s'est pris vingt mètres dans la vue mais parait bien décidé à combler cet espace. Ses superbes sacoches polonaises contribuent à lui assurer un aérodynamisme dont l'approximation est très utile en régime de vent arrière.

Marie-Annick le suit de près avec ses sacoches accordées à la couleur de son anorak, à moins que ce ne soit le contraire, tout en précédant Christine, et deux olibrius qui paraissent croire avoir gagné quelque chose.

Christine, également gilet jaune et casaque noire, demeure sur un quant-à-soi de bon aloi malgré l'arrivée des comiques.

Pas très sportif ce groupe. Les gagnants paraissent être les derniers, et personne ne fait la tête, contrairement aux champions du dimanche matin que nous croisons mâchoires serrées et œil mauvais.La preuve, ils s'arrêtent tous pour attendre gentiment le photographe et admirer les vaches du cru, nombreuses dans ces marais gagnés sur les marécages vaseux des abords du fleuve Loire au fil des siècles. Le vent continue de souffler, moins fort hélas que ce matin puisqu'il nous pousse à présent. La pissée de grenouille a pris fin, la température a un peu remonté.Qui est Jean-Jacques Audubon ? Les premières lignes du site qui est consacré à l'exposition "Les oiseaux d'Amérique" donnent à penser qu'il devrait être plus connu, en France, qu'il ne l'est "artiste, savant, ornithologue, naturaliste, mais aussi poète, explorateur, aventurier, précurseur de l'écologie". Né en 1785, il a vécu une bonne part de son enfance à la Gerbetière à Couëron (Loire-Atlantique), tout près de Port Launay. Après avoir émigré aux Etats-Unis, il devient célèbre par ses peintures très précises représentant des oiseaux américains.

"La Massachusetts Audubon Society, la première parmi les nombreuses sociétés savantes Audubon, a été fondée et nommée en son honneur en 1896. Plusieurs communes dans l'État de l'Iowa portent le nom d'Audubon, notamment la ville d'Audubon chef-lieu du Comté d'Audubon. Une artère porte son nom à New York, l'Audubon Avenue, située dans le quartier de Washington Heignts dans le Upper Manhattan. Une ville fantôme du Texas fut fondée en 1865 et nommée ainsi en hommage au naturaliste." Wikipedia dixit.

Ecolo bien avant l'heure, il écrivait en 1820 "Quand je réfléchis que les bois s'en vont, disparaissant à toute vitesse, le jour sous la cognée et la nuit dévorés par le feu, quand je vois, enfin le trop-plein de l'Europe s'acharnant avec nous à la destruction de ces malheureuses forêts, quand je me dis que vingt ans ont suffi à ces changements extraordinaires, alors malgré moi, je m'arrête, saisi d'épouvante."

Nous avons suivi l'itinéraire vélo fléché par les communes du secteur pour faire découvrir quelques petites routes agréables en bordure et au cœur des marais Aububon. L'idée germa de faire un détour jusqu'au débouché de l'étier de la Musse, un des plus importants qui mènent au fleuve pour drainer le marais. D'autres canaux et étiers plus petits, dont les niveaux sont régulés par des vannes, permettent de maintenir le niveau d'eau approprié au fil des saisons. Ces prairies d'embouches sont naturellement inondées l'hiver par la crue de la Loire, ce qui contribue à leur fertilisation. La carte est fort précise, mais l'altitude calculée via les satellites GPS par OSMand est fantaisiste. Nous sommes plutôt à 5 mètres au-dessus du niveau de la mer qu'à 60.

Le panneau est ancien mais toujours d'actualité. On ne peut le rater en arrivant au bout de la route, dans la lumière après l'ombrage apporté par les feuillages qui encadrent la voie toute droite longeant l'étier.

Pour autant que l'on soit à peu près orienté, c'est à dire que l'on sache où est l'orient, et par déduction les autres points cardinaux, et même si on le sait pas, on reconnaît les trucs qui dépassent dans ce plat paysage et permettent de s'y retrouver, on aperçoit en face, de l'autre côté du fleuve, la tour carrée de ce qui reste de l'abbaye de Buzay, sud-sud-est à 1 heure. Non, ce n'est pas l'heure qu'il est. C'est un moyen de désigner une direction. En face, c'est midi. A droite, c'est trois heures. A gauche, 9 heures. Comme les aviateurs, les cyclistes utilisent parfois cette façon pratique de dire dans quelle direction est ce qu'on veut faire voir. (Cliquer pour agrandir les deux images suivantes, sur ordi).A gauche, soit à l'est, pour les orientés, on reconnait le clocher de Couëron. Mais si, le truc pointu à droite du pylône. J'ajoute des flèches pour les personnes habituées à regarder le bout de leurs pieds. A vélo, on apprend à voir large et loin.Une carte en prime. Nous étions au bout de l'étier de la Musse, devant nous la Loire et plus loin Buzay, à gauche Couëron.

Une cigogne donnait la becquée à son cigogneau (on dirait une phrase dans une dictée, hihihi).

Toujours en suivant l'itinéraire balisé, nous sommes arrivés près de Port Launay, village où Jean-Jacques Audubon passa son enfance, sur un petit belvédère en léger surplomb des marais et face au clocher de... ? Du Pellerin bien sûr, car au sud, à midi, de l'autre côté de la Loire, celui de Couëron est encore à l'est de notre position.

Oui, c'est ça, exactement dans l'axe du chapeau (mais il n'y a pas toujours un chapeau pour se repérer).

Ce belvédère était probablement une sorte de port privé puisque comportant de part et d'autre une cale, un plan incliné, aujourd'hui envahie par les herbes printanières.

L'entrée de la double cale (utilisée tantôt côté aval et tantôt côté amont selon que la marée descendait ou montait, comme le fait aujourd'hui le bac) était encadrée de deux robustes piliers de pierres sèches agrémentées de briques sur les angles où ce qui reste d'un gros gond en fer grossièrement forgé est encore solidement fiché. Le passage servait peut-être à encaisser le prix de la traversée par un des bacs de l'époque. Le lit du fleuve a changé de place depuis. J'ai ouï dire qu'en des temps encore plus anciens, les pèlerins se dirigeant vers Saint-Jacques-de-Compostelle préféraient parfois passer ici plutôt quà Nantes, car les prix des hébergements et traversées étaient moins élevés.

Le vent favorable nous a porté à bon port, de Nantes. Nous n'avons pas sacrifié au rituel du café en terrasse, et moins encore à celui de la glace en arrivant. Trop froid. Ce sera pour une prochaine fois.

Si j'en crois mes calculs conformes à la norme définie par Piano44, après les 64 km du jour, il me restait de quoi en faire environ 110 de plus au même rythme (vraiment très modéré) et sur le même relief (platounet). A 13 à l'heure de moyenne roulante, avec une batterie de 24,5 Ah sous 36 volts, soit 882 watts-heure (et 4 kg), ça parait normal en ne faisant pas que semblant de pédaler.