Cette petite sortie dominicale eut lieu le 1er mai 2007, entre les deux tours de l'élection du président de la république, avec la section cyclotourisme de l'Union cycliste nantaise atlantique http://www.ucna.fr/?page_id=690
Dès avant leur départ, le ciel bas et lourd pesait comme un couvercle en fonte du Canada. Ce signe aurait du suffire pour les dissuader. Il n'en fut rien. Mal leur en pris, et ce n'est que justice. Cette justice immanente n'y suffira sans doute pas. Je tiens donc par la présente, mes chers amis, à porter à votre connaissance les agissements inconsidérés de la petite bande disparate qui s'est rendue à bicyclette au bord de la mer depuis Nantes et en est revenue en ce 1er mai 2007.
L'organisateur de la chose, un certain BM (vous comprendrez qu'en raison du caractère à la fois délicat et scandaleux des faits, je ne désigne ces petits personnages que par leurs initiales, afin d'éviter à leurs familles une honte trop lourde à porter) avait fait le choix de rejoindre Le Pellerin, à une encablure en aval du point de départ, non par la confortable départementale mais via un lacis de petites routes zigzagant entre des bernes herbeuses à souhait en raison de l'humidité et la chaleur des jours précédents. Comme on pouvait s'y attendre, un des passages était à peine carrossable après les pluies orageuses de la nuit.
Pourtant, aucun des ces tristes individus ne parut troublé le moins du monde de voir sa monture maculée de boue. Certaines d'entre elles, de vénérables pièces visiblement entretenues avec un soin jaloux, devraient figurer au catalogue de quelque musée spécialisé et non être exposées à la fange dans laquelle il leur semblait plaisant de rouler. D'autres valant plusieurs milliers d'euros (comment peut-on consacrer de pareilles sommes à des plaisirs aussi futiles ? Cela dépasse l'entendement !), étaient plus exposées encore, puisque ne bénéficiant pas comme les vieilles choses de la protection de garde-boue.
Mon étonnement ne s'est pas arrêté là. À peine une trentaine de kilomètres étaient accomplis que l'un d'eux fut victime d'un problème bien commun avec ce genre d'engin : une crevaison, de la roue arrière comme il se doit. Bien évidemment, l'endroit qu'ils choisirent pour procéder à la réparation a été un dépôt de poubelles. C'est vous dire dans quel univers ces gens là vivent. Non suffisamment contents du choix d'un pareil endroit, et au lieu d'abandonner aux récipients d'ordures le malchanceux que le sort avait désigné pour exprimer son courroux, ils l'ont attendu, plusieurs participant même à l'ouvrage.
Un petit arrêt au café suivant les rapprocha de la civilisation qu'ils avaient soigneusement évitée en empruntant des voies aussi improbables que désertes. Qu'ils usent ainsi de voies détournées permet au moins que les enfants ne les prennent pas pour un spectacle digne d'intérêt, ou leurs jettent les cailloux qu'ils méritent.
Quelques kilomètres plus loin, la mer n'était pas encore atteinte, une nouvelle crevaison survint. Le bon sens aurait voulu, ne serait-ce que pour respecter le tableau de marche concocté à l'avance et dont tous disposaient, qu'ils filassent en laissant choir le porteur des malheurs. Pas du tout ! Non contents de l'attendre une fois encore, tous ou presque se pressèrent autour de la roue percée, qui proposant un pneu de rechange, qui offrant ses chambres à air si l'incident venait à se reproduire, qui œuvrant de concert à remettre en place pneu et chambre.
Il en fut même un, visiblement coutumier du fait, pour avancer que cette communauté aurait pu s'intituler "blanche jante et les sept mains". Le GB (gibi en anglais), puisque c'est de lui dont il s'agit, n'en joua pas moins les schadocks avant de repartir, le sort l'ayant déjà puni à deux reprises de son mauvais goût patent. Qu'il ne le comprenne pas en s'obstinant à des plaisanteries pareilles, et que les autres ne comprennent pas qu'il ne le comprenne pas, m'étonne encore à l'heure où je rédige ces quelques lignes.
Ces soi-disants partisans du grand air se sont calfeutrés dans un café à Tharon-Plage, au prétexte de quelques pauvres gouttes d'eau tombant du ciel. Je ne dénonce pas, je constate. L'organisateur de cette mascarade a tenu au sortir du repas à prendre une photo du groupe avec l'océan en arrière-plan. Je vous laisse juge de l'intérêt qu'il peut y avoir à se faire photographier visiblement transi, une capuche sur la tête, devant un océan tristement grisâtre. Il n'y en a aucun, vous en conviendrez ! Pourtant, nul n'a refusé de figurer sur ce pauvre cliché...
Heureusement, la mauvaise fortune les a poursuivis. Sur le chemin du retour, lors du franchissement d'un passage à niveau non signalé, celui qu'ils appelaient "le président" a chuté. Loin de moi l'idée de blâmer ce pauvre homme qui a souffert dans sa chair de cette aventure déplorable. Force est de constater qu'à tenter les cieux, on s'expose à des retours malencontreux. Au nom de l'enseignement lointain d'un ancêtre renommé, ces tribus ont des mœurs aussi surprenantes qu'impénétrables, l'un d'eux a entrepris de redresser la roue avant en faisant levier entre deux rails. Cet empirisme barbare a suffit pour reprendre le cheminement, à petits pas. Il faut reconnaître à ces primitifs un certain sens pratique à tirer profit de l'environnement.
Je me suis dit alors que le moral des troupes était atteint, et qu'une étincelle de conscience allait surgir dans leurs cerveaux atrophiés et embrumés. Que nenni ! Il s'en est à ce moment trouvé un dans la bande, peut-être JCJ, pour dire "le président a chuté entre les deux tours", ajoutant ainsi le cynisme à la bêtise. Pire encore, au passage dans Le Migron, après Frossay, le Gibi susnommé a dit avoir ressenti la chaleur d'ondes particulières, les Migron-ondes. L'organisateur, jusque là assez raisonnable si l'on excepte l'épisode calamiteux de la photo grisailleuse, renchérit derechef en déclarant : "savez-vous pourquoi nous allons rentrer bronzés ? Parce que nous sommes sur un chemin de halage !". Je ne vous cache pas en avoir perdu mon latin près des eaux de ce canal de la Martinière.
Vous le savez. Nous le savons tous. Les bacs de Loire, comme les transports en commun de l'agglomération nantaise, fonctionnent tous les jours de l'année, à Pâques comme à Noël comme à la Toussaint. Tous les jours, sauf un, le 1er mai. Et quel jour étions-nous ? Quelle organisation nulle ! Non content d'afficher plus d'une heure de retard sur le tableau de marche, de rouler presque 10 % plus vite en moyenne que l'allure prévue arrêts non compris, soi-disant à cause du vent arrière, le BM avait oublié le 1er mai ! Un rien ! Mais il vrai qu'il n'est résident dans la région que depuis quatre générations.
Le reste du groupe en a-t-il été fâché ? Le BM a-t-il été transpercé de rayons ? Lapidé avec des pédales ? Empalé sur un guidon ? Pas du tout.... Ces décidément incompréhensibles primitifs ont même accepté, faute de bac, de reprendre le même parcours inutilement compliqué qu'à l'aller, en terminant par le chemin boueux. La majorité d'entre eux, et c'est extrêmement surprenant pour n'importe qui d'à peu près civilisé, avait même l'air plutôt satisfaite de cette journée, y compris le vénérable FJ, qui ne s'était pas non plus privé de quelques fallacieuses plaisanteries, et le a priori respectable RB qui eut sur la fin le blues de ne pouvoir tout à fait suivre le rythme, en raison d'un manque d'entraînement du à une opération chirurgicale. Qu'allait-il faire dans cette galère ?
Vous comprendrez, chers lectrices et lecteurs, que les agissements sournois et insupportables de cette petite bande doivent être portés sur la place publique ainsi qu'il convient. J'espère, maintenant que ces faits sont connus, qu'ils seront vigoureusement vilipendés lors de la prochaine assemblée de leur club pour que le pilori leur soit réservé, et qu'à défaut, car je soupçonne qu'un nombre non négligeable des membres de ce même club a le même état d'esprit, les instances départementales, régionales, et fédérales si nécessaire, sauront prendre les mesures qui s'imposent en excluant ces dangereux individus à qui le sens commun est à l'évidence devenu totalement étranger. En effet, ils semblaient même envisager de recommencer à pratiquer des actes aussi immondes dans les jours prochains, les semaines qui viennent, les mois qui s'annoncent et les années futures.
Je dois cependant à la vérité de noter qu'à quelques kilomètres de leur retour au point de départ, et même si ces gens ne font que tourner en rond sans doute à défaut de tourner rond, le ciel leur a envoyé comme un signe de pardon, en les gratifiant d'un rayon de soleil qui sonnait comme un clin d'œil. Pour timide qu'il ait été, ce rayon me fit douter de mon propre bon sens.