3ème jour de la tournée des pancartes, voyage été 2011

De MONTREUIL-BELLAY à BÉNEZÉ-SOUS-LE-LUDE

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Croire qu'hier était en L et aujourd'hui en U. Le profil du parcours. La carte ne dit pas tout. Le L d'hier avait de grosses vaguelettes en bout de jambe. Le U du jour s'achevait par de longs faux plats descendants.

Franchir la bosse en sortant du campement. Moins pire que redouté. Je l'avais déjà gravie la veille pour rejoindre la supérette. On a les Alpes d'Huez qu'on peut. Le vélo s'alourdit au fil des kilomètres, c'est prouvé.

Se faire faire la conversation par un cycliste du dimanche. L'entendre évoquer plusieurs fois en quelques minutes les 100 kilomètres. Se dire que ce double zéro relève pour lui d'une magie personnelle. L'écouter évoquer ses quinze kilos perdus en six mois, ses trois mille kilomètres d'entrainement, sa recherche de ses sensations d'ancien coureur. S'abstenir de toute remarque susceptible d'entraver ce considérable chemin parcouru, sans doute au prix de gros efforts, tout en se demandant intérieurement se qui peut le motiver autant.

Chacun cherche son vélo. De quoi ai-je l'air sur mon semi-remorque à pédales ? Se demander, furtivement, ce que pensent les automobilistes croisés qui me scrutent de derrière leur pare-brise et souvent dans leur rétroviseur. Libre, fada, passionné ? Sont-ils envieux, méprisants, indifférents ou vaguement intéressés par cette anecdotique rencontre ? Mon voyage n'est que le mien, ni modèle, ni exemple, juste un voyage. Deux mondes se croisent.

la vallée de l'Aquatrevingtcinq

Croiser la Loire suivie l'année précédente à MONTSOREAU (bonjour madame), là où ma manette de dérailleur arrière rendit l'âme m'obligeant à finir sur un pignon unique. La fuir aussitôt. Trop de. Voitures, vélos, marchands, restaurants, touristes, bruits de moteurs, trop de tout.

La Loire après Montsoreau

Mettre petit. Plus petit que possible. Grimpoter comme on roulotte. Être surpris par la longueur du faux plat passée la vallée de la Loire. Se féliciter d'avoir mis petit, sinon la grosse sueur était garantie, d'autant plus au sortir du repas.

S'arrêter solitaire dans le sous-bois écouter le tapis sonore des grillons, les solos de pépiements d'oiseaux, et le cri suraigu et puissant du prédateur qui fait taire tous les autres. Se rendre compte que l'on a cessé de penser à ce qui s'est passé, à ce qui se passera. Arrêter tous les si, les pourquoi, les comment. Juste être là.

Le grand vide ne guette pas. Changer de braquet quant il faut. S'hydrater à point. Écouter la faim venir. Vérifier le numéro de la départementale après avoir tourné. Photographier les pancartes, puisque c'est le thème choisi. Les rivières, les clochers, les compositions des cultures, autant de regards guidés par le passé. Autant décaler.

En regardant mille de mes photos, je pourrais en déduire la géométrie de mon regard : composition, lumière, couleur... et trouver des rapprochements avec des œuvres, ou des pas œuvres, dont je suis imprégné, comme une éponge (et une brique) de mon époque. Roland Barthes disait que tout texte est un intertexte. Toute photographie est une intericône. Barthes a aussi écrit, je crois m'en souvenir, sur le « punctum », le détail d'une photographie qui fait écho en celui qui y pose un regard. Mon punctum sera cette année le panneau d'entrée de ville.

Les panneaux normalisés ont aussi leur beauté. Ils peuvent être juste informatifs, ou être agrémentés d'informations supplémentaires, parfois compréhensibles des seuls initiés. L'étrangeté, recherchée par le voyageur, se niche juste autour de la banalité. Comme le premier bonjour d'un inconnu, le panneau à l'entrée d'une ville ou d'une bourgade où l'on est jamais venu, ou peut-être on ne reviendra jamais, marque d'une indélébile impression.

À l'arrivée à BÉNEZÉ, s'inquiéter vaguement d'être seul sur le camping. Tenter de joindre la personne dont les coordonnées sont inscrites à l'entrée. Être déçu par les sanitaires fermés à clé quand la douche est espérée. Laisser des messages sur des répondeurs. Attendre. En profiter pour gratter sur les pages d'un petit carnet. Grignoter des Bastognes et de la Vache qui rit. Commencer à trouver le chant des grillons vaguement menaçant. Sourire tout seul en se souvenant avoir connu bien pire par des météos bien moins clémentes. Se dire que les autres humains près de soi sont rassurants.

 

Un camping où les voisins ne dérangent personne.

La suite : 4ème jour de la tournée des pancartes, voyage été 2011