de HERBIGNAC à DONGES
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Grosse surprise en arrivant en vue de SAINT-LYPHARD, l'église a viré au rouge. Dans ma mémoire, elle est grise. Mais je n'ai que des photos en noir et blanc datant de plus de 40 ans. Je me suis arrêté au café pour demander si elle avait toujours été de cette couleur. La transformation est récente. Elle date de trois ans. Ouf ! Ma mémoire ne délire pas (encore?). L'architecte a argumenté sur la couleur des églises au moyen-âge. Il a réussi à « vendre » diverses nuances d'ocre dont à l'intérieur. L'argument est un peu léger pour une église de bourgade typiquement fin 19ème siècle.
À GUÉRANDE, je ne me suis pas attardé pour admirer les remparts et la vieille ville. J'en connais à peu près tous les détours. La pluie toujours recommencée n'incitait pas à la flânerie et je devais avoir dans un replis d'un boyau de la tête l'idée de tenter de faire sécher quelque chose ce soir, donc de ne pas arriver trop tard. J'avais le choix entre le passage près de la Brière, par SAINT-ANDRÉ-DES-EAUX, sur des petites routes en partie balisées, ou près de la mer, par LA BAULE et PORNICHET. Il n'était pas question de prendre la véloroute Vélocéan dans LA BAULE. Les passages sablonneux dans les dunes sont rigoureusement impraticables avec un vélo de route chargé pour le voyage. A fuir. Il m'a semblé dommage de faire le tour de la Loire-Atlantique sans passer par LA BAULE.
J'ai donc cherché à GUÉRANDE la voie verte menant à LA BAULE, et ai pu constater une nouvelle fois que, même quand ils font de très beaux aménagements pour les vélos, les pouvoirs publics ne disent pas où vont ces routes et se gardent de donner la moindre indication pour les rejoindre. Peut-être parce qu'il est considéré que les vélos tournent principalement en rond autour du coffre de l'automobile, ce qui présume d'en avoir une. L'ami Alain, à l'apparition des VTT, disait qu'il ne pouvait en avoir parce qu'il n'avait pas de 4x4. Il n'a même pas de voiture 2x0. Le pauvre homme.
Passe encore de mettre 0,00001 % du budget des routes pour les vélos, ça donne le change vis-à-vis des bobos qui sont de temps en temps des électeurs, mais de là à mettre des panneaux, ce n'est pas dans la culture des techniciens qui sont nourris en perfusion par la civilisation du camion ni dans celle des élus qui ménagent d'abord les mazoutés au quotidien. Même sur des parcours où de l'activité est visiblement créée par le passage des cyclistes, je pense bien sûr à la Loire à vélo, d'autres exemples étant possibles, des passages entiers sont dénués d'indications.
J'entends dire, ici et là, que la commande, et même le téléchargement, de passionnantes brochures quadrichromiques est possible et gratuit. Bien sûr. Et on ajoute dans les sacoches déjà bondées le carton de dépliants des collectivités bardés de logos... Il demeure difficile de faire comprendre qu'un vélo peut voyager sur de grandes distances et non seulement faire des petites boucles, et ceci depuis un siècle et demi pourtant. La bascule n'est pas faite dans les têtes où demeurent vélo = sport, ou vélo = loisir (sous-entendu du dimanche). Pour vélo = outil de voyage, voire vélo = moyen de transport au quotidien, y'a encore du boulot.
Utiliser les routes à faible circulation existantes en ajoutant pertinemment des panneaux coûte moins et est plus efficace et plus rapide à mettre en place, quoique moins prestigieux et donnant moins le change au bobo-électeur.
Des fois, je soupçonne qu'il existe une sorte de club secret, et tentaculaire, qui sabote les aménagements. Quand les décideurs font un parcours pour les cycles sans moteur, le club parvient à y faire installer des coussins (un des pires aménagements casse-gueule pour les vélos et autres deux roues, mais que font les motards en colère ?), ou bien, quand tout semble perdu pour lui, il réussit à ce que les panneaux ne soient jamais installés, ou changent tout le temps.
Ce club bien sûr n'existe pas. Il est dans les représentations des ingénieurs, des techniciens, des entreprises, des ouvriers, qui, inconsciemment, font tout pour embêter les vélos ou plutôt pour privilégier l'automobile en considérant les vélos comme un truc méprisable, de pauvre sans importance, ou de gadget pour zozos, et ça tous les jours, partout, dans toutes les villes et sur toutes les routes.
J'imagine les réunions de ce club. Autour d'une bière, d'un café ou d'un whisky, et tout en sirotant, les membres s'interrogent avec malignité sur ce qu'ils pourraient bien inventer pour emmerder les cyclistes en sabotant le peu et plus ou moins bien conçu. Ils trouvent toujours. La preuve est sous nos yeux en permanence à chaque coin de rue. À chaque déviation branquignolesque du parcours, chaque panneau oublié, chacun des que travaux où la piste cyclable est sacrifiée, j'imagine les dialogues de la réunion qui l'a mise en place. Sous la pluie, tout seul, je me fais rire.
Je suis passé sur le front de mer à LA BAULE. Le ciel demeurait très chargé, avec de belles lumières sur la baie, des voiles de couleur, et tout un peuple friqué vêtu de fringues de sport moulantes et logotypées prestige qui trottinait dans tous les sens, en babillant chronomètre. Vautré sur un banc devant la plage avec ma chemise à carreaux et mon vague imperméable, en dégustant quelques carrés de chocolat, je me suis senti martien. La bande cyclable est très large le long de la plage. Les voitures décapotables et les SUV de centre-ville respectent piétons et cyclistes. Quel contraste avec les bourgades rurales et les routes désertes fréquentées depuis une semaine ! Ce monde est performant. Je suis parti saucissonner tout seul un peu plus loin, à l'écart, sur un chemin rural à côté des vaches.
SAINT-NAZAIRE est une ville que j'apprécie. À part que, le long de la plage, il est prévu de faire passer les piétons sur le béton et les vélos sur le gravier. Les nazairiens ont peut-être des pneus de vélos à crampons et des chaussures à semelles lisses ? Une jeune femme blonde avec un gentil accent britannique, toute seule avec ses sacoches et son vélo, m'a demandé devant le monument américain, si l'on pouvait passer le pont de SAINT-NAZAIRE à vélo. Je n'ai pu que répondre que c'était autorisé mais dangereux car les voitures vont vite et sont en très grand nombre. Le détour par le bac prend soixante kilomètres. Le Conseil général évoque une solution depuis des années. Tant que quelques cyclistes n'auront pas repeint un bout du pont avec leur sang sous les roues d'un truc à moteur la patience pourrait être requise. Et en effet, quelques années plus tard, la solution a été trouvée. Les cyclistes sont transportés et les vélos le sont à part pour passer le pont sans risque. Demandez à un moteur de recherche, il vous dira comment faire. Il demeure autorisé de passer à vélo sur ce pont. Je n'y mettrai certainement pas les roues.
Le vent dans le dos change tout. Du plat, des descentes et tout va mieux. Chaque jour est différent. Un peu curieusement, la répétition des efforts sur plusieurs jours se traduit à la fois par une fatigue certaine et une énergie qui semble inépuisable. Avant le départ, je lisais dans Ouest-France un article sur des cyclistes amateurs et d'un certain âge qui ont fait les étapes du Tour de France 2011. Ils constataient que le corps suit. Je dis pareil. Dans les longs faux plats, avec un vélo lourd, on meurt doucement. Les braquets s'adoptent de plus en plus petits à mesure que l'inertie disparaît. Ils recommencent à grandir dès le replat. On se croit définitivement vidé de toute force en haut de la côte, et plein d'allant avec une vitesse de rotation des jambes retrouvée dès le début de la descente ou quand le vent redevient favorable. Les ressources de l'organisme humain sont en fait bien plus grandes que ce que nos modes de vie citadins et dénués d'efforts physiques nous laissent à penser. Nous avons conservé quelque part notre capacité à nous mouvoir pendant des heures tous les jours, même avec de tous petits moyens. Peut-être pas pour beaucoup d'années. Je me dis à chaque voyage que ce sera peut-être le dernier. Le suivant arrive et je parviens au bout.
La géographie est différente selon les corporations et occupations. Pour le gars du Spar de DONGES, rejoindre le camping supposait de passer le Huit à Huit, de tourner à droite plus bas, d'aller jusqu'à l'Intermarché et là de trouver une pancarte sur la droite. C'était sans faille pour trouver le camping. Pour moi, c'eut été à l'est jusqu'au T, à droite en montant la route plus large, et après la fin de la première rampe trouver la pancarte à droite. On arrivait au même endroit en passant par les mêmes points...
Le camping de DONGES est très grand. Il est très calme dans la journée, sans doute peuplé principalement par des ouvriers qui travaillent sur les chantiers alentours. Les terminaux portuaires, la raffinerie, les entreprises qui gravitent autour de ces activités industrielles engendrent des populations migrantes qui se déplacent au gré des travaux en cours. Le coût d'une nuit est spectaculairement bas : 1,70 €, pour des prestations très correctes. Ce mode de vie à l'américaine, rêvé par certains libéraux, s'accompagne d'une très grande solitude. Des campeurs, passée la douche, restent des heures dans leur voiture à écouter la radio ou téléphoner sur leur portable, et ne parlent visiblement à personne en direct.
Le vent du soir assorti d'un petit rayon de soleil m'aura permis de sécher partiellement quelques vêtements.
Un cyclo campeur est passé me saluer et causer en arrivant au camp, tardivement. Il arrivait de PORNICHET, où le « forfait » à 15 € l'a fait fuir, puis de SAINT-NAZAIRE où le camping complet pour cause de festival l'a contraint à pousser plus loin. Il est peu satisfait de son nouveau vélo acheté d'occasion, un lourd et inerte Giant d'abord destiné à la ville.
La suite : 9ème jour de la tournée des pancartes, voyage été 2011