PAGE EN TRAVAUX

Les allemands nous ont envahi. De manière pacifique et amicale. Néanmoins, il y a eu gêne pour se rendre comme de coutume à la sortie de Noirmoutier. Mettant à profit le salut au soleil d'été, au jour du solstice ou presque, ils ont prolongé la route et poussé jusqu'à l'extrémité ouest de l'EV6 avant de bifurquer plein sud, vers Noirmoutier... Répondant à l'appel du large, en trois jours, ils ont suivi l'EV1-EV6-Vélodyssée-Loire à vélo, puis l'EV1-Vélodyssée-Vélocéan en cyclo camping par le chemin marron. Un autre, non campeur, les a rejoint depuis Nantes à La Barre-de-Monts via la trace bleue, au pied du pont de l'Île de Noirmoutier.

LE SAMEDI

Les un-e-s et les autres ont leurs impératifs et leurs préférences. Deux versions ont été mises en pratique. On vient à vélo (par pitié, évitez de dire "en" vélo, on n'est pas dedans) ou en voiture (et non pas "à" voiture, sauf si elle est à bras). Les un-e-s ont monté leurs tentes, les autres débarqué les vélos de leurs véhicules producteurs d'ozone et de micro-particules, et tous se sont retrouvés au bar du camping du Migron qui est sorti de son époque héroïque de petit municipal sans chichis au profit d'une gestion plus commerciale avec boites en plastique pour dormir dedans et bar à boissons fraîches et chaudes.

Nino Ferrer chantait "ça sent l'hydrogène sulfuré / l'essence / la guerre / la société / ce n'est pas si mal / et c'est normal / c'est le progrès". Cette chanson date de 1971, la même année que "le petit jardin" de Jacques Dutronc. Je connais des caviers (je nomme "caviers" des personnes que je suppose habiter dans des caves sans aucun contact social ni aucun canal d'information de quelque sorte que ce soit) qui, presque cinquante ans plus tard, demeurent dans le déni des conséquences de l'utilisation massive des énergies fossiles. Pour mémoire, le Club de Rome a été fondé en 1968, et sa célèbre publication "Halte à la croissance ?", commandée par le MIT, est parue en 1972. A la même époque, un certain Louis de Funès a totalement cessé d'utiliser tout produit phytosanitaire et autre engrais dans son potager au Cellier, et en était très content. Pierre Rabhi expérimente l'agriculture biodynamique à partir de 1963.

Les adeptes de la règle de Saint-Sourd-à-ce-qui-l'entoure continuent de nier ou de tomber des armoires. Les livres, les journaux, les films, les bandes dessinées existaient dès cette époque. Les pompidoliens n'avaient rien su, rien vu, rien entendu, et continuent de faire vroum-vroum "parce qu'on ne peut pas faire autraument" en bas de l'échelle, et "business as usual" en haut. Les Attila demeurent majoritaires. Le Migron, commune de Frossay, est très loin de sentir l'hydrogène sulfuré, l'essence ou la guerre, et c'est heureux.Nous voilà partis voir l'écluse du Carnet. La technologie des portes semble assez proche de celles installées sur le Couesnon, près du Mont-Saint-Michel, en taille plus réduite, et sans le le tin-touin médiatique. Il est possible qu'il s'agisse d'un système de chasse d'eau pour évacuer la vase qui a tendance à s'accumuler et à boucher le chenal. A l'autre extrémité du canal, côté Martinière, l'écluse d'origine a été conservée en l'état avec des portes traditionnelles, mais il n'y a a pas de chenal.

Vannes du barrage sur le Couesnon, sans contrepoids mais avec de gros systèmes mécaniques pour manipuler les portes.

Des cheminées rouges et blanches sont visibles à l'horizon depuis l'écluse du Carnet. La centrale thermique de Cordemais, au mazout et au charbon, sur l'autre rive de la Loire, alimente les VAE de la région, et accessoirement l'industrie, les services et les ménages. Charbon et mazout ? Comme en Chine ? La pureté n'est décidément pas de ce monde... Il est envisagé de la convertir à la biomasse et aux déchets de bois, mais ce n'est pas acquis. L'Île de la Maréchale est un paradis pour les oiseaux et les vaches à viande, de qualité, qui vivent leur vie de vache avec leur petits à côté d'elles.Depuis l'écluse du Carnet on aperçoit les pales de la grande éolienne. Dans les années 70 (encore et décidément !) et jusqu'au milieu des années 90, le gouvernement a tenté de nous caser ici une centrale nucléaire. La population n'en a pas voulu, pas plus que celle de Plogoff. De très grandes manifestations ont eu lieu. Au bout du bout, le projet a été abandonné et il ne reste que ce grand mat de moulin à vent contemporain planté au bord du fleuve. L'ouest de la France n'a peut-être pas une production d'électricité complètement assurée, même si les professionnels de la profession nous jurent le contraire, croix de bois, croix de fer. La centrale thermique pourrait être insuffisante et son avenir aléatoire, et je ne dis rien de la grande réussite de l'EPR de Flamanville... La grande éolienne a été un prototype utile pour le projet de parc au large de Saint-Nazaire et Guérande.

Il est devenu impossible d'accéder au pied du mat. Sans doute les d'jeunes de la contrée venaient y faire du bruit et des dégâts dérangeant la faune et la flore avec leurs pétrolettes rurales à pot pétaradant, les pétrolettes urbaines sont tout aussi gênantes. Les d'jeunes sont une terrible cause de pollution. Dans les quartiers bourgeois, le jeune et, plus souvent, la jeune, manifeste le vendredi contre l'avenir tout pourri que nous lui avons réservé. La lutte des classes a bien changé.

Les amateurs de juridique (y'a des passionnés de tout et n'importe quoi) apprendront avec ravissement qu'il existe un Règlement Particulier de Police des ports de la Loire. Je rigole, mais c'est utile. Hélas...

De retour vers Le Migron, nous avons bifurqué à gauche. Il suffit de passer le petit pont pour rejoindre l'Île de la Maréchale qui se traverse par le Chemin des Carris. Cette voie fort ancienne aux murets de pierre, serpentant dans les prairies d'embouche, aboutit à un ancien embarcadère situé juste en face de la Maison sur la Cheminée et la Centrale de Cordemais et devait, en des temps reculés, servir de point de passage entre sud et nord du fleuve. A part quelques barques, on y trouve guère de monde, quelquefois des marcheurs, ou des pêcheurs, et, exceptionnellement, une carcasse incongrue.

Nous avons admiré en revenant vers le pont franchissant l'ancien bras du Migron les hirondelles chassant les insectes très au ras de l'eau en soirée, et un pêcheur dans le soleil couchant tout près de son Espace, qui fait partie des véhicules admis par ici, avec les Kangoo, Partner, Berlingo et autres Dacia break. Les SUV à la campagne, c'est bon pour les friqués qui peuvent se permettre d'acheter des grosses voitures neuves qui consomment beaucoup tout en ayant des vignettes Crit'Air à petits numéros pour pouvoir circuler partout tout le temps.

La journée s'acheva par un retour des pétrolettes et un endormissement des campeurs.

LE DIMANCHE

Le récit du dimanche, où je n'étais pas, mais aussi des autres jours, d'un autre point de vue, est visible ici https://www.crazyguyonabike.com/doc/page/?o=1mw&page_id=582538&v=4H

LE LUNDI

 Un autre, rentré chez lui le premier soir avec son engin à ozone, a repris son vélo pour les rejoindre le lundi. Ce cycliste, dont j'étais, s'est arrêté sur la route de La Barre-de-Monts un peu avant Machecoul, pour déjeuner à St-Même au bord du Tenu. Au même endroit que deux fois huit jours plus tôt, comme noté dans N19.

Pour rejoindre ses petits camarades, il est passé par là https://ridewithgps.com/routes/30815362

La chaleur n'est pas arrivée. Il fait même frais. Les sacoches sont parsemées de gouttes.

Poids du bestiau ? 50 kg voire plus, et plus de 120 avec le bonhomme. Vélo, moteur, batterie, bagages, concentrateur d'oxygène (la mode veut qu'on se mette les tuyaux dans les oreilles, je me les mets dans le nez...), bidons, etc. Il faut le conduire sagement. Les écarts intempestifs sont interdits. L'attention doit être soutenue. Les accélérations sont impossibles, tout comme le freinage d'urgence. Distraits et nerveux s'abstenir. Les quelques années de pratique du vélo lourd en cyclo camping me sont utiles. Je sais à peu près conduire les camions tout autant que les engins de sport, les seconds pardonnant les erreurs contrairement aux premiers. S'agissant des bagages stricto sensu (vêtements, nourriture, bidons), ils représentent environ 10-12 kg. Le vélo fait à peu près 15 kg. Le reste est constitué des machins d'assistance.

Avec une charge comme celle-là, un vélo de même modèle (celui sur la photo est quasiment neuf), après plus de 1500 heures d'utilisation, est en très bon état, mais la roue arrière a du être changée car la jante était fissurée en plusieurs endroits à proximité des rayons, ce qui démontre que la charge est excessive, bien que ce modèle soit donné pour un poids total en charge maximum de 140 kg. Je ne peux diminuer cette charge, sauf miracle. La route pète, et se remplace donc par une roue neuve. 80 balles tous les 25000 bornes, ça va (jante, moyeu, rayons, corps de roue-libre et montage compris). Les fissures ressemblaient typiquement à ceci.

Maintenant, la jante a cette mine.

Cette jante double paroi renforcée à oeillets est en principe destinée au loueurs, qui ont des clients qui cassent un peu tout. De fabrication française, elle est vendue sous la marque "Mach1", dont j'ignorais tout jusqu'à présent. Cette usine, créée en 1996 après le rachat de l'ancienne société Rayon Bernard datant de 1937 devenue CPM qui périclitait, fournit 20% du marché européen (3 millions de jantes, 280 millions de rayons et d'écrous). Cocorico. Elle produit à la demande de ses clients, des assembleurs comme Decathlon par exemple, des jantes, des rayons et des oeillets, pour la première monte sur des modèles d'entrée de gamme, en apposant au besoin le décor personnalisé souhaité par le client. Elle fabrique aussi de la moyenne et haute gamme.

Elle vend aussi sous sa propre marque. Une autre de ses activités est la conception, la fabrication et la vente de machines pour le montage des roues de vélo, dont elle se sert également. Volà une industrie qui me plait, réactive, un peu novatrice, et se porte apparemment plutôt pas mal sans se la pèter pour autant. Les jantes, écrous et rayons sont fabriqués à côté de St-Etienne, veille terre de cycles, et Mach1 Machines est implanté en Haute-Savoie. Lisez le compte-rendu d'une visite de ce fabricant méconnu, avec de belles photos de cette industrie et des hommes qui y travaillent de Paul Humbert. 

La jante sans oeillets telle qu'avant. Pas complètement "safety" en fait.

Les jantes à oeillets seraient un peu plus solides que celles sans oeillets, mais on finit par les casser quand même en cas de charge importante. Les nouvelles versions du même modèle de vélo ont des jantes à oeillets. Pour le même prix qu'il y a trois ans. Schürmann est un concurrent allemand du Mach1 français.

Entre Bois-de-Céné, premier clocher vendéen rencontré après Machecoul, et Châteauneuf, j'ai fait halte au milieu de nulle part. A Puits Roger, je n'ai vu aucun puits, ni personne prénommé Roger. Malgré l'apparente platitude, le lieu est un peu plus élevé qu'autour. L'origine est éventuellement "puy", comme le Puy du Fou, ou Puy Crapaud près de Pouzauges, puy voulant dire lieu élevé en langue d'oc (sud de la France). Quant à Roger, c'est un mystère. Un camion passe toutefois et de temps en temps ramasser les poubelles. L'inscription sur le container est énigmatique. Certains mystères s'enchainent et sont insondables.