FFCT et VAE, discrimination des handicapés

La position de la FFCT s'est heureusement infléchie depuis la date où j'avais rédigé ces lignes.

J'ai lu récemment les recommandations d'un médecin d'une ligue régionale de la fédération qui recommande l'usage du VAE aux personnes vieillissantes et présentant des risques cardio-vasculaires. L'idée demeure sportive, que les vieux puissent suivre des plus jeunes dans les montées en particulier sans courir après la crise cardiaque. 

Surtout, plusieurs des points du règlement mis en cause dans cette page ont été revisés de manière raisonnable. Cette page a donc un caractère plus historique qu'informatif à l'heure actuelle. Mon point de vue sur la nouvelle charte VAE de la FFCT peut être consulté là : fin discrimination handicapés Et le progrès n'étant pas linéaire, un retour aux vieux démons hypocrites est arrivé, par l'embrouille des formules et du certificat.

 

SAUREZ-VOUS FAIRE LA DIFFÉRENCE ?

 L'une de ces machines est un vélo à assistante électrique (VAE), l'autre est un cyclomoteur (Mobylette), qui eût son heure de gloire au XXème siècle.

Si vous pouvez les différencier, vous connaissez le code de la route.

Si vous ne pouvez pas, rien n'est perdu, cela peut vous favoriser l'accès aux plus hautes fonctions à la Fédération française de cyclotourisme (FFCT).

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La charte de l'utilisateur de VAE à la FFCT : une machine à exclure et discriminer

Une des conclusions tirées de l'essai par Cyclurba d'un cycle à pédalage assisté spécifiquement conçu pour le cyclotourisme est qu'il s'agit d'un "cadeau idéal pour un départ en retraite, ou pour le quadra se remettant au sport, pour le cyclo-touriste qui commence à souffrir pour suivre le groupe, ou encore ceux qui du fait d'un accident de la vie ont besoin de pratiquer un sport en régulant l'effort." 
Le vélo dont il est question "
répond aux conditions d'homologation des VAE, avec une batterie de 36 volts, une puissance nominales des 2 moteurs inférieure à 250 watts, et une assistance limitée à 25 km/h."

André Tignon de Nord Éclair constate pour sa part à propos du VAE et de la Fédération française de cyclotourisme (FFCT) : "le VAE en cyclotourisme reste, malgré la loi qui assimile cette machine à une bicyclette et un conflit soldé à l'avantage d'un constructeur, un sujet qui fâche à la FFCT. Contrainte d'accepter les VAE, la Fédération Française s'efforce d'en réduire l'usage et l'impact dans les organisations de ses clubs. En se montrant tatillonne dans la réglementation (ne pas se mêler aux groupes) et même en pratiquant le chantage du côté assurance. Ceci alors même que les adeptes restent peu nombreux (2 ou 3 pour 1000 ?) et constituent des cas souvent sympathiques."

Et, en effet, la "Charte de l'utilisateur de VAE" de la FFCT, à laquelle doit se plier tout utilisateur potentiel d'un cycle à pédalage assisté pour raisons médicales, que l'on peut nommer "handicapé" ou "infirme", au sens où il n'atteint pas la moyenne en matière de performances, comprend des dispositions assez curieuses en première lecture.

L'utilisateur doit outre présenter un certificat médical :

  • s'engager à demeurer à l'arrière des groupes, ce qui n'est évidemment pas très favorable à la convivialité,
  • ne jamais faire plus de 60 km par jour, sous peine de n'être plus assuré,

 et bien avoir en mémoire que les présidents de club peuvent à tout moment prononcer son exclusion de la fédération à la première incartade, volontaire ou non, pour une kyrielle de motifs dont une majorité d'improbables.

Quelle idée la FFCT se fait-elle des utilisateurs de VAE ?

vae-fantasme.jpgDominique Lamouller, président de cette fédération écrit : "Nous avons déjà des exemples d’usages du VAE à des fins performantes et absolument pas cyclotouristiques." Des précisions sont apportées par le Docteur François Levan, médecin fédéral FFCT, : (le VAE) "est une facilité accordée à certains licenciés qui doivent se plier à un minimum de règles (ou de contraintes), règles que nous devons mettre en place car sinon c'est l'anarchie et nous allons voir des dérives préjudiciables à notre projet et donc à ceux qui veulent utiliser normalement un VAE réglementaire; comme par exemple des VAE dopés à 500 W ou plus et qui vont rouler à 30 km/h dans les montées ou bien des personnes qui vont faire des randonnées de 200 km dans la journée (c'est possible si une assistance apporte des batteries de rechange aux ravitaillements)". L'utilisateur de VAE serait donc a priori, vu du balcon de la FFCT, un vilain tricheur. La FFCT n'ose pas dire qu'elle ne veut dans ses rangs ni des infirmes ni des VAE (pour ces infirmes). Pour justifier les bâtons dans les roues, elle invente des ennemis imaginaires. Des VAE de 500 W qui font 200 km en montant les côtes à 30 km/h, on en voit tous les jours. Chevauchés par des fourmis de dix-huit mètres avec un chapeau sur la tête, où elles épinglent leur certificat médical. Il y a de quoi avoir peur, bien que ça reste moins performant qu'un coureur professionnel. 

ci-dessus, un grand méchant VAE dopé 

On cause "accident de la vie" et "cycle à pédalage assisté" conforme au code de la route, et la FFCT répond "VAE dopé de 500 W". Comme si les tricheurs allaient présenter de faux certificats médicaux ou des certificats de complaisance pour tricher (combien de cas en pour de vrai ?). L'idée sans doute n'est pas de priver les personnes affaiblies de relations sociales mais de faire que les éventuels tricheurs avec des VAE de course ne jouent pas les dernys pour tout un groupe complice afin de faire péter les chronos. Souvenons nous qu'il n'existe pas de classements à la FFCT, et qu'il n'y a rien à gagner, et c'est très bien comme ça. Toutefois, en amalgamant dans ses attendus les accidentés de la vie et les tricheurs en VAE dopé, ce qui se traduit par un règlement paranoïde, la FFCT discrimine les premiers.

à droite, un débonnaire VAE conforme vae-europeen-1.jpg

À qui la charte FFCT est-elle destinée ?

Le médecin fédéral apporte la réponse : "Nous avons mis en place l'utilisation du VAE (sur demande de la commission médicale) pour permettre à des personnes n'ayant plus les capacités de se déplacer avec un vélo classique de continuer à pratiquer dans leur club lors de petites sorties, ou pour leur permettre de reprendre leur activité après une maladie ou une intervention chirurgicale par exemple." On lit la différence avec la définition de Cyclurba pour qui le VAE est destiné, entres autres, à "ceux qui du fait d'un accident de la vie ont besoin de pratiquer un sport en régulant l'effort.", cette définition n'évoque pas de limitation de distance, ce qui semble de bon sens. Les limites évoquées par le médecin fédéral n'ont pas grand chose à voir avec des raisons médicales, mais de nouveau avec le grand méchant VAE illégal des super-tricheurs. En outre, la FFCT confond intensité et durée de l'effort, ce qui est paradoxal pour une activité où la régularité est majeure par rapport à la performance de pointe. 

La FFCT s'adresse à des musculaires moyens.

Certaines organisations de la FFCT sont plus "sportives" que d'autres, celles où un temps maximum est à réaliser pour accomplir le parcours imposé. À propos de ces épreuves, toujours sans classement, le président de la FFCT a tout à fait raison d'écrire : "Je confirme donc que nous souhaitons pas voir de VAE sur des organisations que nous qualifierons pour simplifier le sujet de "sportives", cette fois au motif du règlement d'origine de la FFCT qui fixe que le cyclotourisme "utilise le cycle, mû exclusivement par la force musculaire.", sans omettre d'ajouter «notre proposition est donc bien conforme à ce que vous nous demandez : autoriser à la FFCT les VAE conformes au Code la route sur présentation d'un certificat médical.». Il n'oublie, excusez du peu, que les entraves et les menaces qui constituent l'essentiel des objections.

La FFCT est musculaire. C'est entendu. Elle n'est pas non plus que cela. Je rejoins le président de la fédération quand il écrit dans le Guide du cyclotouriste :  "Le cyclotourisme n'est pas une simple activité physique, c'est un équilibre judicieux entre l'esprit, la culture, le tourisme, la santé et le sport. Si ces composantes ne sont pas réunies, alors on ne parle plus de cyclotourisme. Ce cadre authentique avec un comportement amical, convivial, tolérant, confère le rang d'adepte de la philosophie du cyclotourisme." Je me sens à la fois croyant et pratiquant à l'égard de cette philosophie. Je ne vois pas du tout en revanche en quoi elle est incompatible avec l'usage d'un VAE sur présentation d'un certificat médical.

Si la FFCT ne veut pas de personnes durablement (un peu) affaiblies, c'est à dire en dessous de la moyenne, les handicapés ou infirmes, elle ne veut pas non plus, dans ses organisations "sportives" de personnes trop performantes. Les brevets sportifs ont une durée maximale, mais aussi minimale. Hors de la moyenne, point de salut. Si tu n'es dans le ventre de la courbe de Gauss, tout sera fait en faveur de ton inexistence. L'idéal de l'accès de tous aux activités physiques et sportives, pourtant inscrit dans les statuts, semble passablement battu en brèche.

Que la FFCT ne veuille pas de VAE dans les organisations "sportives", je peux comprendre. Mais rien ne justifie raisonnablement le refus de participation au porteurs d'un certificat médical à toutes les organisations "touristiques", à l'exception de quelques unes parcimonieusement citées dans la charte.

Il n'est point de si sourd...

On dit « ok pour présenter un certificat médical pour pouvoir utiliser un VAE dans les organisations FFCT » et le Docteur Levan répond : "Je ferai remarquer au passage qu'une personne ayant des soucis de santé l’empêchant de rouler avec un vélo "classique" doit consulter son médecin au minimum une fois par an ou même tous les 3 mois et je ne vois pas en quoi cela la dérange de demander son certificat !" Nous en sommes d'accord, mais il va nous falloir un traducteur français-français, ou jésuite-français.

Quand on avance que contraindre les utilisateurs de VAE pour raisons médicales à rester toujours à l'arrière des groupes est du même ordre que contraindre les personnes de couleur à utiliser certaines places dans les transports en commun, la FFCT répond : "mais est ce à l'encontre des handicapés (…) ou au contraire en faveur des handicapés ? Je crois que nous, FFCT, avons réglementé en faveur!". De l'art de la pirouette, qu'on croyait davantage pratiquée par les gymnastes que par les cyclistes. La bonne conscience est recommandée pour un sommeil de qualité.

Et je dispose d'autre exemples de surdité. Certes, nous sommes là dans l'argumentaire classique des apparatchiks pour qui un débat ayant eu lieu ne peut être réouvert, une décision est forcément bonne et en faveur de la catégorie ainsi réglementée, etc. etc. Les exemples de cette attitude abondent en politique, dans les entreprises et d'autres formes d'organisation. Cependant, de la part d'une fédération reconnue d'utilité publique et qui, selon ses statuts, "a pour objectif l'accès de tous à la pratique des activités physiques et sportives." et qui "s'interdit toute discrimination.", on aurait pu s'attendre à un peu moins de confusions, d'aveuglement et de langue de bois.

Que faire ?

Face à cette Grande Muraille de grisaille, et même avec toute la force de la bravitude dont se sent capable, on s'interroge. Plusieurs voies sont envisageables.

  1. Se soumettre aux prescriptions. Demeurer dans le rôle assigné de sous-cyclotouriste de petite distance, avec une vie sociale limitée faute d'être autorisé à s'intégrer aux groupes, sous la menace permanente d'une exclusion pour une faute arbitrairement évoquée, sans possibilité de présenter une défense, et avec une assurance aléatoire.

  2. Signer la charte. Faire semblant de se soumettre et faire autre chose sur la route, la limite des 60 km par exemple étant très difficile à vérifier. Se dire aussi que les groupes de cyclotouristes sont composés de braves gens qui ne sont majoritairement pas des centrifugeuses rejetant à l'extérieur les pas tout à fait normaux. Mais ce serait accepter d'être considéré a priori comme un tricheur, et ce serait tricher. Néanmoins, je comprendrais cette attitude. C'est le moyen de continuer à faire partie de la communauté même si, accessoirement, ça permet à la fédération de dormir sur ses deux oreilles en étant convaincue que le silence règne dans les rangs.

  3. Présenter le certificat médical pour pouvoir utiliser un VAE, en précisant que je refuse de signer la charte et pourquoi. Au vu des escarmouches épistolaires avec les caciques, il est à prévoir qu'un "niet" me sera opposé. Je pourrais alors aller au contentieux pour demander un arbitrage à la justice. Mais jouer les Zorro du VAE, quand bien même j'obtiendrais gain de cause, présume une dépense d'énergie et de temps que je pourrais préférer réserver à me refaire une santé.

  4. Solliciter les ministères, les élus, les associations, le défenseur des droits, etc. Tenter de rallier à ma cause tout le monde et sa grand-mère, au nom de la bien réelle discrimination et du déni de droit. Je l'ai déjà fait pour d'autres causes dans d'autres contextes, le plus souvent avec succès. Mais la conclusion est a priori la même que celle du point 2.

  5. "S'en badigeonner le nombril avec le pinceau de l'indifférence", comme disait ma maman. La FFCT n'a pas le monopole du cyclotourisme. Encore heureux. Je fréquente aujourd'hui plus de touristes à vélo non fédérés que de fédérés, sans considérer que les fédérés sont moins honorables. Mais ce serait laisser libre cours à la machine à exclure les cyclotouristes de longue date. À titre de clin d'œil, et d'abord parce que je n'ai pas les moyens de renouveler ma garde-robe, je continuerais d'utiliser mes maillots de la FFCT, avec mon VAE, sur des distances de mon choix en fonction de mes capacités, avec des personnes qui n'ont pas de sinistres préventions et à qui la pratique régulière d'une activité touristique et musculaire améliore le fonctionnement des neurones.

 


Les deux dispositions relatives à la place dans les groupes et à la limitation des 60 km sont une honte à faire disparaître le plus vite possible (Pffff ! j'peux en faire 150 avec mon VAE, mais moins vite que les musculaires de la FFCT avec leur vélos de course en carbone. Mon moteur est une prothèse, une béquille, une jambe de bois, une paire de lunettes...) En attendant, on présente un certificat, puis on fait comme on veut sur la route avec les copains. Plus ou moins sans papiers, mais en toute convivialité. Le règlement est une chose, et, fort heureusement, la pratique du cyclotourisme en groupe amical en est une autre. J'ai par ailleurs demandé à mon assureur perso, qui me garantit contre les dégâts des eaux, confirmation de ma couverture, y compris envers autrui, pour 60 km de vélo ou plus même au sein d'une fédération.

La FFCT est une grande maison, où s'activent aussi nombre de personnes ouvertes, qui montent et animent des organisations en faveur des handicapés et/ou accessibles aux handicapés.  Le problème, c'est le VAE, qui fait très peur à la FFCT pour de mauvaises raisons, et qui, au lieu d'y réfléchir sereinement, se crispe et discrimine en se déconsidérant. Quand les instances dépasseront leurs frayeurs infantiles, la situation s'assainira. Des signes d'ouverture peuvent conduire à penser que ça finira par arriver, dans les instances comme c'est déjà le cas dans la majorité des clubs.


Ce que dit la charte

Charte d’usage du pratiquant VAE (Vélo à Assistance Électrique) 2011 FFCT (ndr  : kif-fif en 12 et 13).

Respecter les conditions d’utilisation suivantes :

  • la pratique du cyclotourisme à l’aide d’un VAE oblige les utilisateurs à posséder un certificat médical valide, à signer une charte d’usage et à respecter les principes fondamentaux du cyclotourisme. Les présidents de clubs sont habilités à prononcer l’exclusion en cas de non respect,
  • l’usage du VAE sera autorisé et assuré uniquement pendant les cyclo-découvertes®, les sorties du club et les manifestations de cyclotourisme route de 60 km maximum dans la journée, organisées par le FFCT, ses clubs et ses structures, ne faisant pas l’objet d’une homologation
  • NB : son usage sera exclu dans tout encadrement et/ou stages de formation des cadres fédéraux.
  • L’utilisateur devra respecter la vitesse des groupes fréquentés et s’engage à se tenir à l’arrière du groupe.
  • En cas d’accident une copie du certificat médical valide, signée de son titulaire et par le Président du club ou du Codep, sera à joindre à la déclaration de sinistre.

Je ne suis pas le seul à m'étonner

Une discussion de Cyclurba : http://cyclurba.fr/forum/16806/ffct-les-vae.html?discussionID=1674
André Tignon de Nord Éclair : http://www.cyclos59.com/articles.php?pg=2291&lng=fr

D'autres sont pour le VAE : la Fédération des usagers de la bicyclette – FUB

 Un article très complet à consulter, à titre documentaire, l'objectif de la Fub étant de favoriser l'usage urbain du vélo, électrique ou pas : http://www.fubicy.org/spip.php?article263

D'autres encore font du tourisme en vélo à pédalage assisté avec bonheur

http://victoria03.free.fr/
et moi aussi : cyclo camping en VAE  cyclo tourisme en VAE
 

juillet 2013